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Critique de Arakasi


Pas besoin de creuser bien loin pour trouver les origines de ma passion pour L Histoire. On en revient toujours peu ou prou à la même source : Alexandre Dumas ! Or une des choses qui m'a toujours captivée chez Alexandre Dumas, c'est la caractérisation de ses méchants. Et quel méchant est plus célèbre, plus séduisant, que l'odieux et brillant Cardinal de Richelieu des « Trois Mousquetaires » ? Comme j'ai aimé le détester, adolescente, alors qu'il tramait dans l'ombre ses odieuses machinations face à mes chers mousquetaires, trompant, mentant, achetant, assassinant… Et tout ça pour quoi ? Pour cette chose ridicule et si peu héroïque que l'on nomme la raison d'état. Avec le temps, mon antipathie s'est doublée d'une dose de franche curiosité et j'ai voulu en savoir plus sur ce redoutable personnage, sans parvenir à me motiver assez pour me lancer dans une des volumineuses biographies pondues par ses admirateurs – ou délateurs d'ailleurs, les seconds étant aussi nombreux que les premiers.

Et bien j'ai eu raison d'attendre ! Car après bien des années consacrées à l'étude du Grand Siècle, voici que mon historienne préférée, Simone Bertière, s'est enfin penchée sur le sort du plus roublard homme politique que la France est connu et, plus particulièrement, sur ses relations avec son maître et monarque. Car qui dit Richelieu dit obligatoirement Louis XIII. L'un et l'autre sont indissociables aux yeux de la postérité, comme ils l'ont été aux yeux de leurs contemporains, le roi et son ministre unis contre vents et marées plus étroitement que ne le sont la plupart des époux. Mais quel couple orageux ils formaient ! Richelieu et Louis XIII offrent cette différence fondamentale avec les autres grands duos politiques français – comme, par exemple, Henri IV et Sully – qu'au lieu d'être unis par une franche amitié, ils se supportaient à peine. Richelieu n'était pas le ministre avec lequel Louis XIII aurait souhaité collaborer, Louis XIII n'était pas le monarque que Richelieu rêvait de servir. D'où le sous-titre élégant choisi par Simone Bertière : « La Malentente ».

Ces deux-là se supportaient d'autant moins qu'ils partageaient nombre de points communs : d'abords et avant tout une même vision de la France et de sa grandeur, les mêmes buts, mais aussi la même solitude, la même arrogance, la même tendance à la neurasthénie et la même soif de pouvoir inextinguible. Ils se comprenaient trop bien pour s'apprécier. Mais la pomme de discorde qui les séparaient était avant toute chose la supériorité écrasante du ministre sur son souverain : plus brillant, plus subtil, doté d'une plus grande profondeur de vue, le cardinal n'a eût cesse de projeter son ombre sur le trône de son maître, faute que celui-ci, ainsi que la postérité, ne lui pardonnera jamais.

Il faut bien avouer que les deux bougres ne sont guère sympathiques, d'autant plus que leur mode de gouvernement n'a rien d'irréprochable. Certes, ils ont contribué à la grandeur de la France, mais au prix de combien de morts, de guerres et de disettes ? Pourtant, Simone Bertière parvient à rendre ce double portrait captivant, pas au point de les rendre attachants, mais assez pour nous aider à les comprendre. Elle montre que loin d'avoir suivi fidèlement un grand dessein – celui défini par Richelieu dans ses mémoires : mater les protestants, forcer les grands seigneurs à plier devant la Couronne et abattre la puissance espagnole – ils se sont battus au jour le jour, adaptant leur stratégie à chaque nouveau obstacle et se tirant mutuellement dans les pattes à la moindre occasion, au point d'en oublier parfois les objectifs poursuivis.

Ils en sortent tous deux moins magnifiés, mais plus humains, surtout Richelieu dont la fameuse omniscience est plus d'une fois mise en doute. Finalement, leur oeuvre commune restera inachevée et ils mourront tous deux trop tôt, abandonnant la France dans un état de guerre permanent et de graves troubles civils. Pour ceux qui jugeraient ce suspense insoutenable, je ne peux que conseiller avec enthousiasme la biographie de Mazarin écrite par Simone Bertière quelques années plus tôt, le digne héritier politique du grand mais malaimé cardinal. Ca me donne bien envie de la relire, tiens…

En conclusion, encore une très belle bio de Mme Bertière, une !
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