AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de natlc


Il est des livres qui, pour rapides qu'ils soient à lire, sont difficiles à chroniquer en ce qu'ils nous dérangement ou dérangent nos habitudes. Celui-ci en fait partie, et je tiens donc tout d'abord à présenter mes excuses à Babelio et aux éditions L'Esprit du temps pour le retard avec lequel je publie la critique que voici.

Avec Pour des têtes bien faites, Marie-Thérèse Bertini entend publier un véritable programme de refondation de l'enseignement français. L'ambition est en effet celle de la réforme tandis que le ton n'est pas loin de celui employé par nos politiques, avec un maniement extraordinaire de l'impératif et de ces formules impersonnelles tant usitées que creuses lorsqu'elles ne font pas l'objet d'un consensus réel, les fameux « il faut » et « l'on doit ». Si les idées ne sont pas toutes dénuées d'intérêt, leur formulation génère alors l'agacement et non seulement ce dérangement qui pourrait être bon signe en ce qu'il manifesterait une capacité à bousculer les esprits et à faire réfléchir. Il n'en demeure pas moins que l'on ne peut que partager le constat de départ de l'auteur, qui veut que l'enseignement prodigué aujourd'hui s'avère profondément insatisfaisant en ce qu'il ne permet pas aux élèves de s'adapter parfaitement à une société qui exige pourtant toujours plus d'eux. Ceux-ci peineraient à saisir la structure qui sous-tend non seulement chacune des matières abordées avec eux mais aussi l'ensemble de notre monde, et là serait la raison principale de cet échec. Pour y remédier, Marie-Thérèse Bertini propose donc de s'appuyer sur la logique des systèmes informatiques, de l'enseigner dès le plus jeune âge et d'en faire un paradigme à partir duquel penser toute l'élaboration des séances portant sur d'autres domaines de l'apprentissage. Elle prend notamment l'exemple de la lecture, pour tenter de nous persuader qu'une compréhension de la structure de la langue suffirait à faciliter l'apprentissage de la lecture : « Je dirais qu'il faut surtout apprendre d'abord à entendre, dans tous les sens du terme, (aussi comme une opération de l'intelligence), c'est-à-dire à appréhender une forme structure dans sa globalité, avec ses articulations propres, qu'il s'agisse du mot, de la phrase, du texte, avant de commencer à décomposer…Entendre des sons qui forment une unité, avant de voir les lettres, pour dire les choses d'un autre point de vue ». Seulement, si l'intention est louable, on perçoit alors directement les limites d'une telle proposition : nous ne sommes pas loin ici de la méthode dite globale, dont on connaît les graves conséquences qu'elle a pu avoir sur la génération sacrifiée qui fit les frais d'une telle expérimentation, et de tels propos ne peuvent donc manquer de refroidir. Mais cela n'est rien comparé aux diatribes tenues tout au long de l'ouvrage contre le savoir, quoique l'auteur s'en défende quelque peu dans les dernières pages. Considéré à plusieurs reprises comme inutile, encombrant et même inégalitaire par nature donc certainement néfaste, il se trouve sans cesse opposé à cette notion de structure tandis qu'il faudrait davantage penser leur complémentarité. Effectivement, apprendre et accumuler des savoirs dont l'on ne peut rien faire faute d'en comprendre la logique est peu productif, mais éliminer tout savoir de l'enseignement l'est tout autant voire plus. L'auteur ne s'en alarme visiblement pas, en venant même à proposer de recentrer les programmes sur les seules disciplines qui lui paraissent essentielles, à savoir l'informatique, la grammaire, le latin, le grec et les mathématiques. S'il est nécessaire de s'interroger en effet sur la multiplication des disciplines qui a pu conduire à un émiettement du savoir, l'on s'étonnera toutefois que la solution proposée réside dans l'annulation même du bien-fondé de l'acquisition de savoirs variés et approfondis. Que dire ainsi, par exemple, du silence total qui est fait sur une discipline comme l'Histoire, dont il n'est nullement question mais qui demeure pourtant fondamentale en ce qu'elle permet à chacun de s'interroger sur le passé, de se construire un ethos de citoyen et ainsi de trouver sa place dans son pays ? de la même façon, comment accepter de ne plus inviter les jeunes gens en formation qui nous sont confiés à acquérir un véritable esprit d'analyse, indissociable de l'acquisition d'un savoir minimal à partir duquel réfléchir et même véritablement penser ? Une discipline comme le français est censée pouvoir le permettre pour peu que l'on ne réduise pas l'approche des textes à la seule compréhension de leur « architecture formelle » ainsi que le propose Mme Bertini, pour qui l'action (c'est-à-dire la réalisation de tâches ordonnées par une instance supérieure ?) doit de toute façon primer sur la réflexion. Alors bien sûr il n'y a pas d'intelligence réelle sans structure et sans compréhension des structures si bien qu'il nous faut leur accorder une place de choix dans notre enseignement et Mme Bertini a le mérite de le donner à penser, mais il n'est pas inutile de rappeler qu'il s'agit là d'un moyen et non d'une fin en soi dès lors que l'on ne considère pas les choses simplement du point de vue du chef d'entreprise pour lequel bien des éléments capitaux pour la formation de l'individu paraissent rapidement superfétatoires.
Commenter  J’apprécie          127



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}