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Critique de TawfiqBelfadel


Les soliloques du poète

Une cité quelque part au Sahara est assiégée par les terroristes. C'est alors que tout se métamorphose dans ce lieu où régnaient autrefois la paix et la bénédiction. Désormais, « chaque minute de gagnée est un moment de vie arraché aux tenailles de la haine » (p.13).

Le narrateur, proie privilégiée des terroristes, s'enferme dans la maison de son ex-femme Nezha. Il épie les fanatiques, observe la ville métamorphosée, et soliloque. Seul et habité par l'amertume, il soliloque sur sa vie, sur sa carrière de journaliste, et surtout sur son ancêtre l'imam. Observateur du chaos, le narrateur avoue n'être pas un héros.

Il ne donne pas de réponses, mais il pose beaucoup de questions.

« Je m'en veux un peu d'avoir peur. Mais quel mal y a-t-il à aimer la vie ? Et comment arrive-t-on à s'offrir à la mort et à entraîner celle des autres ? J'ai toujours mal au coeur quand je m'imagine un corps déchiqueté, ses membres volant à part, l'extrême mutilation. Quel paradis accepterait un homme tout en lambeaux et emportant avec lui d'autres au trépas, des personnes qu'il ne connaît même pas ? À quel commandement divin obéit-on quand on sème la désolation et la peur chez des innocents ? (pp.54-55).

Le temps passe, la solitude et la peur se dilatent. Osera-t-il sortir de cette maison-prison ? Ou bien il finira ses jours à soliloquer entre les murs ? Les repères spatio-temporels ne sont pas précisés : le roman vise l'universel. L'auteur peint un thème d'actualité qui touche plusieurs villes et pays du monde : le terrorisme. Il s'agit du terrorisme qui a pour arme la religion : tuer l'autre au nom d'une croyance, au nom de Dieu.

« Nous préférons tout de même nos autorités vénales et nos militaires ignorants, et aveugles, à ces fêlés, qui croient entendre Dieu alors que c'est leur folie qui parle » (p.10).

Le roman est captivant par sa structure et notamment par son écriture poétique. le lecteur, en suivant l'intrigue, aurait l'impression de lire de la prose-poésie. Ainsi, la poésie permet par sa magie de dire la folie des fanatiques, c'est-à-dire l'indicible.

« Il fait sombre dans la cité comme il fait nuit en moi » (p.7).

Beyrouk insère discrètement dans cette fiction quelques fragments autobiographiques : son expérience de journaliste, et sa passion pour le Sahara, berceau de la sagesse et de la poésie.

Enfin, Je suis seul n'est pas une autopsie du terrorisme. C'est un roman qui met l'Homme face à la violence, à la religion, à l'amour, à la vie… Mêlant philosophie et poésie, ce roman est un poignant hommage à la condition humaine.
Lien : http://www.lacauselitteraire..
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