Je connais beaucoup de gens qui seraient contents de me voir dans cet état ; ils m’ont jalousé, ils avaient eu du mal à accepter ma réussite, ils aimaient à me rappeler les années de faim et de misère quand ma mère vendait de la menthe pour que je puisse aller à l’école. Comme si la pauvreté était une honte !
Est-ce qu’ils lisent des livres, ces gens qui nous tourmentent ? Non, certainement non, ils se s’intéressent qu’à ce qui conforte leur rhétorique fanatique, ils rejettent sans réfléchir tout ce qui n’entretient pas leurs folles certitudes, ils ne donnent aucune chance aux questions, car réflexion peut être doute, et leur demeure mentale si fragile s’ébranlerait s’ils laissent paraître les moindres lésions. Il n’y a d’ailleurs plus de livres dans notre cité. Depuis que les parvenus se sont installés, depuis qu’ils ont remplacé les anciens colonisateurs, ils ont tué les bibliothèques et assommé la culture.
" Depuis toujours le peuple s'agglutine sur les places publiques pour voir souffrir puis mourir les condamnés. Ils n'ont rien inventés, les exaltés d'aujourd'hui. Ils ont seulement fait revivre la vieille nostalgie du sang."
Je m'en veux un peu d'avoir peur. Mais quel mal y a-t-il à aimer la vie ? Et comment arrive-t-on à s'offrir à la mort et entraîner celle des autres ? J'ai toujours mal au cœur quand je m'imagine un corps déchiqueté, ses membres volant à part, l'extrême mutilation. Quel paradis accepterait un homme tout en lambeaux et emportant avec lui d'autres au trépas, des personnes qu'il ne connaît même pas ? A quel commandement divin obéit-on quand on sème la désolation et la peur chez des innocents ? Ils ont osé le montrer à la télévision, un terroriste, en mille morceaux, j'ai vomi avant de pleurer, ils ne savaient pas qu'il était déjà mort depuis longtemps, pour lui-même.