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Critique de Bibalice


Impossible de ne pas verser une larme tout au long de la lecture de ce dernier tome de la "tétralogie du monstre". Si on pleure, ce n'est pas parce qu'il s'agit de la fin d'une histoire et que l'on doit donc abandonner nos héros, non, si on verse une larme c'est en pensant au gâchis terrible que cet épisode représente.
Un gâchis de la pire espèce : fin baclée et inintéressante, abandon des personnages et des promesses initiales du premier tome.

Le sommeil du monstre, publié en 1998 était un chef d'oeuvre de bande dessinée comme il n'en existe probablement aucun autre. Tout était virtuose, du scénario aux "dessins" en passant par de sublimes dialogues. A l'instar de Watchmen, la référence en la matière, le sommeil du Monstre semblait indiquer la voie vers un renouveau de la bande dessinée, mais made in France cette fois -ci. Ce premier tome dépassait en effet le cadre de la bd pour offrir à qui voulait s'arrêter un instant, une histoire passionnante et comme souvent, avec les chefs-d'oeuvre, terriblement annonciatrice de choses à venir.

Car le sommeil du monstre était une oeuvre sombre où, déjà, des extrémistes religieux semaient la pagaille un peu partout sur la planète. Mais des ténèbres toujours plus profonds surgissaient des îlots d'héroïsme et de beauté, telle cette quête du frère qui veut réunir sa famille d'orphelins. Nike se souvient qu'il est né dans un hôpital dévasté par la guerre, en même temps qu'une fille et qu'un autre garçon. Un sniper fou sévit dehors mais déjà Nike sait que cette pauvre famille, il l'a réunira un jour. Il le jure. Quelques années plus tard, Nike part à la recherche de son frère et de sa soeur.

Dans les premier et deuxième tomes, on suivait le destin ô combien fragile de ces trois êtres au milieu des décombres. Chaque avancée était l'annonce d'un désastre à venir et d'une fin plus cruelle. le deuxième tome était étrange, c'est vrai. Il portait une réflexion singulière mais intéressante sur l'art et la beauté du mal. le cliffhanger de la fin était pour le moins ésotérique, mais on avait confiance en Bilal, on pensait, tout du moins je pensais que Bilal savait précisément où il allait.

Puis vinrent ces fichus troisième et quatrième tomes sans l'ombre d'une intrigue et renversant les codes introduits par les premiers tomes. Nike n'est plus ce berger au milieu des décombres. C'est un type qui ne comprend plus rien à ce qu'il se passe autour de lui et qui trouve une aide aussi grotesque qu'inattendue de la part d'un deus ex machina absurde. La dernière image a dû, à ce titre, dégoûter plus d'un lecteur.

Je crois imaginer ce que Bilal avait dans la tête pour cet épilogue raté : le monde sombre et violent, angoissant et sans espoir qu'il avait virtuellement construit lorsqu'il avait créé la série lui faisait désormais peur. La réalité l'avait rattrapé. Alors pour se défaire de ces/ses cauchemars de plus en plus réels, Bilal a voulu pacifier son monde, comme pour pacifier le monde existant. Sauf que plus rien n'est crédible. Avant même de percevoir une quelconque progression, la figure du mal n'en est plus vraiment une. J'aurais adoré une histoire de rédemption mais j'aurais alors aimé qu'elle soit au moins bien racontée, et qu'elle évite cet happy ending ahurissant de facilité.

Les "dessins" sont toujours sublimes mais peut-être sont-ils un cran en dessous des épisodes précédents qui brillaient par une originalité de tous les instants. Vous n'oublierez pas de sitôt le happening sanglant du deuxième tome. Rien d'aussi fou visuellement dans les deux derniers tomes mais l'empreinte laissée par Bilal est si forte, qu'à la fin, cela importe peu.

Une déception donc que ce dernier tome. Mais que cela n'empêche personne de se ruer sur le premier. C'est un chef d'oeuvre qui n'a besoin d'aucune suite pour exister (même si le deuxième est excellent également, quoiqu'un ton en dessous).
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