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Critique de oblo


C'est sur une île déserte que le narrateur échoue volontairement. Loin, pense-t-il, de toute présence humaine et de ceux qui, dit-il, le persécutent, il a néanmoins la surprise d'observer bientôt, sur cette île que la présence humaine a marqué d'une chapelle, d'un musée qui est en fait une villa, et d'une piscine, un groupe d'une quinzaine de personnes. Fuyant d'abord ces personnes dont il craint qu'elles ne soient ses persécutrices, le narrateur prend le temps cependant de s'y intéresser. Bientôt, il tombe sous l'emprise amoureuse d'une femme, Faustine. Celle-ci, malgré les efforts du narrateur, ne semble pas le remarquer ; il en va de même pour les autres membres du groupe.

La deuxième partie du roman donne quelques éléments d'explications : en réalité, ce groupe de personnes n'est que le fruit de l'invention de l'une d'elles, un ingénieur français dénommé Morel. Prenant exemple sur les inventions technologiques qui recréent la voix (téléphone) ou l'image (la photographie), Morel a inventé une machinerie complexe qui enregistre tout ce qui appartient au monde sensible. de la vue à l'ouïe en passant par le toucher, l'odorat et les sensations que peut éprouver le corps (la chaleur, le vent ...), cette machine a capté pour l'éternité la vie de ce groupe d'amis, venu sur l'île pour une semaine. Et, répondant à la vieille crainte de certains peuples d'Afrique ou d'Amérique du sud, l'image ainsi créée a capturé les âmes de ceux qu'elle a enregistrés.

La première partie de ce court roman hérite d'une atmosphère très lourde, où l'absurde rencontre le fantastique. le narrateur explore l'île et ses constructions, suffoque dans les marais où il dort par peur d'être pris par ce mystérieux groupe, tâche de survivre laborieusement. Puis, les explications de Morel arrivant, le roman entre plutôt dans une dimension philosophique, interrogeant les notions de réel, de matérialité, de solitude aussi. Les sens ici se font traîtres et seule l'intelligence, mais aussi le doute, du narrateur, permettent encore de discerner un semblant de réalité. Par réalité, on entendrait ici ce qui est présentement, ce qui a une réalité temporelle.

Malgré cette altération durable des sens, le narrateur ne fait pas le choix de quitter l'île. L'amour qu'il porte à Faustine en est l'une des raisons. C'est là un autre paradoxe que propose le roman. Car, bien qu'absolument seul dans sa temporalité, le narrateur éprouve pourtant un sentiment pour une femme qui a existé et qui, comprend-il, n'existe probablement plus. Son amour est celui de la passion, non celui de la nostalgie des temps passés ou du regret de ce qui aurait pu être.

Enfin, ce roman interroge aussi la dualité entre la mort et la vie éternelle. Certes, l'invention de Morel permet l'éternité, mais elle ne l'offre qu'aux images. Les chairs, elles, sont destinées à la putréfaction (cf. la main du narrateur qui pourrit après que celui-ci l'ait enregistrée avec l'invention). Il y a là une référence au christianisme, dans lequel la mort n'est que le passage vers la vie éternelle. Cette vie éternelle, dans le christianisme comme dans le roman, est associée à la félicité éternelle. Faustine, Morel et les autres sont prisonniers d'une semaine idéale ; le narrateur, lui, consent à se faire prisonnier de l'image de Faustine. En laissant son journal intime au lecteur, il devient définitivement un personnage de fiction.
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