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Critique de batlamb


Plus faustien que jamais, le démon de Nietzsche continue à renverser « l'éternel sablier de l'existence », dont le sable ressemble aux plages de l'île inconnue où se déroule ce récit. En ce lieu demeure Faustine, héroïne (malgré elle) d'un improbable triangle amoureux. Nous la percevons par la petite lorgnette d'un point de vue lointain et biaisé : celui du narrateur anonyme, explorateur angoissé de cette île, qui n'ose pas s'approcher des habitants et se contente de les observer à distance. Il tombe cependant amoureux de sa vision de Faustine et nous donne en parallèle une mauvaise image de Morel, fâcheux rival, qui se révèlera posséder la jeune femme à sa façon, grâce à sa mystérieuse invention.

De même que son ancêtre littéraire le docteur Moreau, Morel joue à pousser l'humanité hors de ses frontières naturelles. Mais faisons-nous l'avocat du diable : nos corps, nos vies ne sont-ils pas que des images aisément manipulables ? Images que l'on reçoit et que l'on se fait, de nous-mêmes et des autres ? Images qui dansent sur les murs d'un monde-caverne, où l'extérieur ne serait rien d'autre qu'un mythe ?

Les idées exposées ci-dessus ne sont sans doute pas très claires. Il est difficile de ne pas se laisser contaminer par les ratiocinations abracadabrantesques du narrateur, un être profondément psychotique. Il se fait de lui-même l'image d'un essayiste à la pensée suivie et logique… malgré les discontinuités flagrantes de son récit, strié d'obsessions et d'idées aberrantes. Par exemple, ses craintes que la police lui tende des pièges dans cette île isolée de tout et même du temps, un paradis qui représente pour lui une évasion hors de sa prison mentale.

Comme suggéré plus haut, cette évasion passe par le regard, et le désir. Mais le narrateur-voyeur n'est pas un voyant comme Moreau, et ne vit donc pas dans le plan d'existence de ce dernier, qui lui paraît utopique, au point qu'il cherche à y pénétrer en risquant son âme. Ce sera au lecteur de juger si la vision qui se dégage de cette tentative en valait la peine.
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