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Critique de germ1tor


Oppenheimer est un enfant surdoué qui excelle dans toutes les matières. Issu d'un milieu juif très aisé , il se révèle introverti voire asocial.
Il ne trouve sa voie que tardivement: la physique théorique, plus précisément la physique quantique qui est en plein essor dans l'entre-deux guerres, avec une ruche de physiciens éminents, brillants tous un jour ou l'autre Prix Nobel ou équivalent.
C'est dans ce vivier qu'Oppenheimer va s'épanouir et s'affirmer l'un des meilleurs voire le meilleur d'entre eux. C'est un humaniste très à gauche et ne s'en cache pas en soutenant financièrement par exemple les républicains espagnols à la fin des années 30.

Ainsi « naît » le père de la bombe atomique.
Il se voit confier la direction scientifique et technique du projet Manhattan, un projet scientifique qui devient un projet d'ingénierie d'ampleur, où Oppie passe du rôle du génie scientifique au manager conciliateur promouvant les échanges d'idées, les contradictions et le participatif.
Un incroyable challenge à plus d'un titre.
Il s'agit d'abord de diriger une équipe pluridisciplinaire et multi-culturelle avec des scientifiques et ingénieurs, tous brillants et ultra compétents, mais tous ingérables de par leur ego surdimensionné. Un challenge de planning. Etre prêt au plus tôt pour devancer les nazis.
Un challenge politique où les exigences du pouvoir contraignent les choix de recrutement et placent sur l'équipe un étau de confidentialité au nom de la sécurité nationale.
Les conflits de toutes sortes nous sont dévoilés… conflit d'intérêt, cas de conscience sont nombreux et intéressants pour appréhender les tenants de la nature humaine dans cette aventure hors du commun.
A Los Alamos, Oppie traite et résout les problèmes de toutes sortes, avec brio il survole les embûches.
Mais l'éthique le rattrape une fois le projet en phase d'exécution finale.
Le paroxysme est atteint avec les modalités d'utilisation de la bombe. Comment s'en servir? Comme arme de destruction massive? Comme arme de dissuasion? Comme arme diplomatique? Comme un capital mondial à sanctuariser?

La décision de Truman tombe sans discussion: utiliser le « gadget » avant le 15 Août 1945 pour couper l'herbe sous le pied des Russes.
J'apprends grâce à cette bibliographie:
a) la reddition annoncée des Japonais dès Juin, ceux-ci cherchant à négocier la paix;
b) l'accord Truman-Staline pour une déclaration de guerre russe contre le Japon avant le 15 Août
Malgré (ou à cause de) ces deux faits, Truman choisit la bombe pour s'assurer que le Japon ne se rende qu'à la seule Amérique et surtout pour asseoir une suprématie américaine post guerre incontestable.

Au delà du succès du premier essai Trinity, Oppenheimer et nombre de ses collègues éprouvent un sentiment de culpabilité énorme, une responsabilité historique.
Comme il l'avait deviné dès 1945, il a ouvert la course à l'armement avec l'URSS et la prolifération devient inévitable.
A cause de son opposition ouverte à la Super bombe, la bombe H, il va devoir faire face au lobby de l'Air Force, des industriels et financiers républicains et enfin, en plein maccarthysme, à une véritable chasse aux sorcières visant à le démolir.
Sa réhabilitation ne sera que trop pâle et trop tardive.

Je trouve les problèmes métaphysiques soulevés parfaitement résumés dans la formule de Rabelais: « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. »

C'est une remarquable autobiographie qui nous transporte dans les années de la toute puissance américaine avec tous ses travers, capable du pire comme du meilleur.
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