Citations sur Crotales (44)
Cette fille était parfaite ! Il visualisait déjà les dégâts laissés par la balle sur son visage de porcelaine, il pouvait voir son corps agité de convulsions dans la poussière, ses seins se soulever et ses lèvres charnues, qui libéraient un dernier souffle. Fasciné par les images, Tim gémissait. Un feu infernal lui dévorait le ventre et le sexe.
Ignorant la dépouille à ses pieds, l’homme se tourna vers le coffre, qu’il souleva sans effort apparent.
Il le jeta sur son épaule et s’éloigna sans plus attendre.
Abandonnant sa victime au soleil.
Au vrai, Timmy était un authentique prédateur. Un assassin de la pire espèce. Un jour, P’pa et les autres devraient se rendre à l’évidence et le voir sous son véritable jour.
Elle acquiesça en silence quand Torres lâcha enfin son poignet. Les doigts de l’homme avaient laissé des marques rouges sur sa chair. Elle se massa en espérant que des bleus ne marbreraient pas sa peau.
Harris s’alluma une cigarette et tira une longue bouffée. Il mourait d’envie de se débarrasser de son armure, pour respirer un peu. La route avait été interminable, depuis ses bureaux de NYC1. L’enquête de longue haleine, depuis la disparition de Vito del Piero, les avait conduits jusqu’ici. On savait, de source sûre, que les Italiens prévoyaient d’établir de nouveaux liens avec les cartels mexicains.
D’autres hommes, vêtus de noir et casqués, les yeux protégés par les lunettes réglementaires et le système audio activé, avançaient par bonds successifs autour de la propriété. Dos et poitrails étaient barrés d’une mention blanche FBI ou SWAT. Ils s’étaient répartis en petites unités et eurent tôt fait de rejoindre les points stratégiques qu’on leur avait désignés.
Après avoir refermé discrètement derrière lui, il resta immobile dans l’entrée. Les yeux fermés, il écouta le jet d’eau, le bruit des gouttes ricochant sur la faïence, le chant de la cascade sur la peau de Salma. Il imagina les vagues brûlantes qui embrassaient son corps nu et réprima un sourire. Salma était belle, jamais il n’avait désiré une femme autant qu’il pouvait la désirer.
À pas de loup, il s’approcha de la douche, séparée du reste des appartements par une série de vitres dépolies.
Il s’arrêta face à la baie principale et contempla le spectacle. Salma, inconsciente de sa présence, s’offrait à lui.
Torres eut un rictus satisfait.
Le spectacle méritait bien qu’on lui consacre quelques instants.
À Juarez, il convenait de toujours être sur ses gardes. Et, quand on en avait les moyens, de rouler à bord d’une voiture blindée – nul ne savait jamais d’où une balle pouvait venir et l’on pouvait être foudroyé par un projectile destiné à une autre cible, en longeant un trottoir, son enfant à la main.
Les légendes les plus folles circulaient à propos de la cité. Toutes soigneusement entretenues par les gangs de narcotrafiquants qui régnaient ainsi par la terreur – et tenaient à distance les curieux et les étrangers. On parlait d’exécutions publiques, d’enlèvements quotidiens, de demandes de rançons, de disparitions inexpliquées, on évoquait à voix basse l’incapacité de la police à réagir, les règlements de compte en pleine rue, de jour comme de nuit, la corruption galopante, l’évasion stupéfiante suivie de la nouvelle capture du caïd de la drogue, El Chapo… on était loin du compte.
Juarez n’était pas le Mexique, Juarez c’était…
Une antichambre de l’enfer.