Citations sur La lectrice disparue (111)
Elle est incapable de le comparer à quoi que ce soit, les mots lui manquent pour décrire ce qu’il lui fait ressentir, elle n’a pas faim, elle n’a envie de rien, sauf de lui et de cigarettes.
Tu es comme une pêche, dit-il, ta peau est si douce, et tu as un goût sucré.
La réalité est comme neuve, elle se fiche de la nuit presque permanente de l’hiver, des difficultés et du manque de fric. Plus rien ne compte à part Örlygur, elle et Örlygur dans le lit déglingué à sommier d’acier où ils passent tout leur temps, où ils restent allongés jour et nuit. Ils font l’amour et dorment, ils dorment et font l’amour jusqu’à ne plus savoir où commence et finit le corps de chacun. Örlygur connaît chaque centimètre du sien, il le parcourt du bout des doigts, du bout de la langue. Le lit chantonne à longueur de journée, du matin au soir, la nuit aussi, ils n’ont besoin d’aucune autre musique.
Elle est beaucoup trop jeune, elle doit d’abord passer son bac, c’est un homme adulte qui a dix ans de plus que sa fille entêtée et insolente. Júlía est intraitable et, après quelques claquements de portes et autant de menaces, sa mère finit par accepter le fait accompli.
Dans tout ce que tu fais, tu mets tellement de beauté. J’ai l’impression que le monde était laid jusqu’au moment où je t’ai rencontrée.
Lorsqu’il la regarde, plus rien n’a d’importance, les cours de français et de latin au lycée, les bouteilles qui encombrent la table du domicile familial, les engueulades avinées, les disputes permanentes entre sa mère et son beau-père. Elle a déjà couché avec des garçons, ils l’ont besognée, les yeux brûlants de désir, et elle croit savoir ce qu’elle fait lorsqu’elle rentre avec Örlygur, qu’elle se déshabille entièrement et s’allonge sur son lit où elle l’attend.
Pardon, je ne voulais pas te froisser. Je suis seulement curieux et, en général, je n’aime pas trop tourner autour du pot. Je préfère aller droit au but.
Ce n’est pas franchement mon impression. Si tu étais réellement aussi direct, tu m’aurais déjà demandé de coucher avec toi.
Elle a toujours pensé appartenir à cette race de gens qui n’hésitent pas à prendre des décisions aussi audacieuses qu’imprévisibles, elle a soif d’expériences. Elle veut mener une existence passionnante dans les grandes métropoles étrangères, accumuler les histoires, les amants, et en acquérir une profonde sagesse, un peu comme Anaïs Nin, si ce n’est qu’elle n’est pas certaine d’avoir envie de coucher avec des femmes mariées. En revanche, elle veut bien goûter aux sushis. Et même si cet homme l’a fait mettre à la porte du Bíóbar, même s’il est assis à sa table comme si cet endroit et le reste du monde lui appartenaient, son charme envahissant pique sa curiosité.
Cet homme l’avait humiliée devant tous ceux qui attendaient pour entrer dans l’établissement, rue Klapparstígur, ses amies s’étaient volatilisées et son manteau était resté à l’intérieur. Elle avait tambouriné à la porte en hurlant comme une harpie, avait frappé le battant à coups de rangers, évidemment trop fauchée pour se payer un taxi. Elle avait dû trouver quelqu’un pour la ramener chez elle et lui éviter de mourir de froid dans la neige.
Des millions d’êtres humains ont vécu et sont morts sans connaître les concepts de futur et de passé, ils ont mené leur existence dans une sorte de présent perpétuel, observant les saisons défiler cycle après cycle sans avoir la moindre idée de leur place sur l’axe que nous avons ensuite créé, cet axe qui commence dans un passé immémorial et plonge vers l’inconnu.