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Critique de Musa_aka_Cthulie


Trois auteurs sont connus pour avoir été au fondement du steampunk dans les années 80 : K.W. Jeter, Tim Powers et James Blaylock. Tout amateur ou personne s'intéressant donc de près ou de loin au mouvement steampunk se doit de les lire. Or, les ouvrages concernés étaient devenus difficilement accessibles en français, car plus édités. J'ai couru après des vieilles éditions de Homunculus pendant un bon moment (si j'avais su...), jusqu'à ce que Bragelonne le réédite début 2016, après Les voies d'Anubis de Powers en 2015. Et je l'ai proposé à l'achat à la bibliothèque, qui a suivi mon conseil. Et, franchement, je ne suis pas certaine que c'était un très bon conseil...

Si Les voies d'Anubis est tout imprégné d'un esprit ludique et déborde d'énergie, avec les défauts que ça peut impliquer, Homunculus s'enlise au contraire dans un récit toujours confus, un manque de rythme notoire et une certaine vacuité de l'histoire. D'ailleurs, on serait bien en peine de résumer cette histoire, ou du moins l'argument central, ou même de présenter les personnages. Qu'est-ce que cette bande de types cherchent dans ce Londres pseudo-victorien ? On ne le saura jamais très bien. Qui sont-ils vraiment ? On ne le saura pas non plus véritablement pour la plupart d'entre eux. Il est question d'un homme (mort) qui pilote un dirigeable depuis des années et des années autour du monde sans jamais se poser. Pour quoi faire ? Mystère.

Au début, on se dit que l'histoire est volontairement confuse pour créer un effet de suspens - qui tombe à plat. Mais le fait est que jamais le récit ne s'éclaircira et que, de plus, il sonne complètement creux. Je vais donner un contre-exemple dans le cinéma : Inland Empire de David Lynch est le type même du film où le récit est illisible à première vue et qui plonge le spectateur dans la confusion la plus totale. Or, tout y est soigneusement réfléchi et, en disséquant le film, on se rend compte que, non seulement il existe un fil narratif principal, mais que l'état de confusion provoqué est le reflet de l'état mental du personnage central. Ceci pour dire que chez Blaylock, la confusion du récit pourrait avoir un intérêt mais n'en a en fait aucun et reflète uniquement le manque de savoir-faire de l'auteur ; je crois d'ailleurs que c'était son tout premier roman.

Donc, on se retrouve dans une histoire brouillonne, au milieu d'une multitude de personnages dont on ne comprend rien et dont on ne sait pas, pendant longtemps, qui ils sont, qu'on confond sans cesse les uns avec les autres. Ce n'est même pas que les personnages en question soient trop nombreux : Zola jongle parfois avec moult personnages sans qu'on soit perdu pour autant. C'est juste que Blaylock manque terriblement de rigueur dans l'écriture. Donc, à force de se perdre dans son récit, il perd également son lecteur. Pas de rythme, je l'ai dit, mais pas d'ambiance non plus, à part quelques passages sur le côté sordide de certains quartiers de Londres. Pire, pas d'humour typiquement steampunk ! le jeu entre fiction et références à la littérature ou à L Histoire, si propre au genre, tombe lui aussi à plat (alors que Powers s'en tirait très bien dans Les voies d'Anubis, notamment avec une fin très maligne). Même la plongée dans l'horrifique avec des hordes de morts-vivants envahissant la ville traîne lamentablement. Bref, c'est un roman ennuyeux du début à la fin.

Probablement conscient des manques de son livre, Blaylock s'en tire à la fin gentiment avec une référence humoristique au théâtre baroque : "Mais la lande était nue, l'aérostat réduit en morceaux. Il lui semblait que l'étrange appareil n'avait été qu'un feu follet spectral, un peu de rêve tissé avec des fils de néant. La nef merveilleuse se mit à tournoyer et à s'estomper derrière ses paupières closes, jusqu'au moment où il eut l'impression de survoler à son bord les paysages nuageux d'un songe." Un peu facile de conclure de cette manière, justifiant ainsi de l'inconsistance de tout un roman. Encore que ce passage très ironique se révèle - finalement - le plus réussi de tous...
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