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Critique de colka


colka
05 décembre 2021
Mon chemin de lectrice n'aurait sans doute jamais croisé celui de Karen Blixen, auteure de : La ferme africaine, si je n'avais pas revu dernièrement le fameux Out of Africa de Sydney Pollack. le destin exceptionnel de cette baronne, Karen Blixen-Finecke a piqué ma curiosité et j'ai voulu parcourir un bout de chemin à ses côtés jusqu'à cette ferme dans les Ngong Hills au Kenya, où elle va devenir entrepreneuse d'une plantation de café, durant douze années. Je n'ai vraiment pas regretté ce voyage littéraire, car Karen Blixen est une merveilleuse conteuse, chez qui le sens de l'observation et de l'empathie le disputent à la sobriété des notations ou au contraire au lyrisme lorsqu'il s'agit de décrire cette nature africaine dont elle est tombée littéralement amoureuse.
Ce que j'ai également beaucoup aimé dans ces chroniques africaines car il ne s'agit pas d'un récit suivi, c'est l'amour et le respect du vivant sous toutes ses formes que l'on sent chez la narratrice. Et son talent de portraitiste nous fait croiser tous ceux qui vont entrer dans son existence d'une façon ou d'une autre. Qu'il s'agisse de Kamante, un jeune kikuyu, à qui elle va sauver la vie en le soignant, de Knudsen, un danois SDF qui va lui demander de l'héberger, ou d'Emmanuelson, un suédois, en partance à pied pour le Tanganika car il a tout perdu et à qui elle va offrir le gîte et le couvert ainsi que de l'argent, c'est toute une galerie de personnages qui défilent sous nos yeux, ravis que nous sommes par ces portraits ciselés, souvent cocasses et tendres et dans lesquels l'humour le dispute à la lucidité.
Ce qui m'a également beaucoup plu chez la narratrice c'est son sens de l'auto-critique voire de l'auto-dérision. N'oublions pas que la période de sa vie qu'elle décrit dans ces chroniques, correspond à celle située entre la 1ère guerre mondiale et les années 1930, c'est-à-dire la période du colonialisme encore triomphant. Or, Karen Blixen fait preuve, dans l'analyse qu'elle nous livre du comportement des indigènes, d'un décentrage ethnique étonnant pour l'époque, notamment lorsqu'elle décrit par exemple les différences culturelles qui existent entre la communauté des kukuyus et les Blancs autour d'une notion comme celle de la justice. Elle va même parfois jusqu'à pousser l'audace en adoptant le point de vue des colonisés, et en décrivant avec humour combien ce changement de point de vue peut être déstabilisant pour les colonisateurs.
Autre point fort de ces chroniques : l'évocation du monde animal, qu'il s'agisse des animaux vivant à la ferme : Lulu, l'antilope, les lévriers écossais et la jument Rouge ou bien des superbes lions africains encore chassés à cette époque mais apparemment pour des raisons moins prédatrices que dans les temps à venir... C'est aussi une des qualités de ce livre que de nous donner à voir une nature sauvage déjà en danger, comme le suggère l'émouvante description de girafes en partance pour Marseille et à qui l'auteure souhaite de mourir durant le voyage plutôt que de se retrouver en exil à Hambourg "où nul ne sait rien de l'Afrique"
Nostalgie et tristesse sont très présentes à la fin du livre lorsque Karen Blixen évoque les deuils auxquels elle doit faire face : vente de sa ferme et mort de deux êtres chers... Mais me restera en mémoire ce beau voyage littéraire dans une Afrique un peu mythique mais ô combien attirante, ainsi qu'un beau portrait de femme, celui de Karen Blixen, une femme libre, audacieuse, charismatique et généreuse.
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