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Critique de Sofiert



A la nuit tombée, une femme espionne par la fenêtre une famille dans son quotidien. Cette femme est une mère qui n'a pas vu sa fille depuis 6 ans et qui est censée ignorer que celle-ci est mariée et qu'elle a deux petites-filles.
Mais elle a déjà commencé l'enquête pour la retrouver et de retour à Jérusalem, elle va fouiller dans le passé pour tenter de comprendre la raison de cette fracture.

Yoella devient alors la narratrice de sa propre vie et Hila Blum a choisi de ne laisser entendre que sa voix et donc uniquement son récit.
Mais nous savons que d'autres récits sont possibles. Celui de l'époux Meir serait probablement différent, celui de Leah leur fille proposerait sans nul doute une autre version.
L'auteure, en taisant la voix de Leah, requiert l'imagination du lecteur pour compenser le manque et deviner les non-dits. Elle nous invite à l'interprétation, à l'analyse psychologique, à l'exploration du coeur humain.
Nul besoin de nous interpeller formellement : si l'on veut comprendre ce roman, il va falloir combler les vides.

Mais Yoella se faisant détective devient aussi suspecte. Lorsque le lien entre une mère et sa fille se brise, il faut bien que l'une ou l'autre soit responsable.
Pour s'absoudre de toute culpabilité, le discours de la mère déborde d'un amour absolu : " Je ne voulais d'aucun manuel. Je reniflais ses chaussettes et ses pantalons avant de les fourrer dans la machine à laver, j'humais ses cheveux gras, son haleine matinale, ses douces puanteurs. Elle rampait pieds nus dans le bac à sable, se précipitait sur la fourrure des chiens du quartier. Je me fichais des contraintes, des règles et je tenais à brandir devant ma mère cet amour pour ma fille que j'avais inventé toute seule, si différent de l'amour que ma mère avait pour moi. "

Hila Blum fait ainsi vaciller son personnage entre la certitude d'avoir été une mère aimante et l'inquiétude d'avoir été maladroite . En brandissant cette appréhension, probablement partagée par un grand nombre de parents, elle s'assure de la complicité et de la participation du lecteur à la résolution de cette énigme.
Beaucoup de parents débarquent dans la parentalite avec les meilleures intentions du monde : aimer son enfant, le protéger, lui permettre de devenir autonome, assurer son avenir. Les décisions à prendre sont parfois difficiles et peuvent avoir des conséquences insoupçonnées.
Lorsque Yoella raconte l'histoire de sa famille , nous sommes , en tant que lecteur, juge des réactions qu'elle peut avoir en réponse à certains événements.
Mais ce que nous percevons est lié à notre propre subjectivité, aux relations que nous entretenons avec nos propres enfants.

La relation fusionnelle entre Yoella et Leah qui semble réciproque tout au long du récit rend la séparation encore plus douloureuse. le récit de ces moments de complicité, les escapades mère-fille, le partage des émotions dans l'adolescence et celui des premiers amours exclut toute rupture.
Et pourtant à 18 ans, Leah est partie sans un mot et a choisi de mener une vie dont sa mère serait absente.
Si quelques indices nous donnent à penser que le lien s'est rompu lors du renvoi de Dennis, le diagnostic importe peu de même qu'il n'est pas possible de désigner une coupable.
En choisissant une narration à sens unique, l'auteure nous permet de réfléchir à la complexité du lien familial et de mesurer à quel point l'amour peut être toxique lorsqu'il est à ce point fusionnel.
. "Je savais que l'amour maternel pouvait être sauvage, effréné, mais je n'avais pas compris l'épopée de l'amour quotidien. Et puis je compris. Je donnais naissance à Léa, et je compris."
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