AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de vibrelivre


Nocturne du Chili
Roberto Bolaño (1953-2003)
roman/poème en prose
traduit de l'espagnol par Robert Amutio
Christian Bourgois éditeur, 2000/2, 153p









Roberto Bolaño est né à Santiago du Chili. Il a quitté le pays à l'âge de 15 ans. Il a vécu au Mexique, puis en Espagne. Ses influences littéraires sont Borges, qui a donné son entier soutien à la junte, et Nicanor Parra, l'anti-poète, aux positions ambiguës, dérangeantes.Il passe pour être l' un des auteurs majeurs contemporains. La médiathèque a son oeuvre sur ses étagères.
Nocturne du Chili se passe de nuit, et quelle nuit, une nuit d'agonie, celle du narrateur à la première personne, un prêtre chilien de l'Opus Dei, fou de littérature, lui-même critique littéraire et poète. Il a cinq ou six ans à la fin des années cinquante, soit l'âge de Bolaño.
Il fréquente un célèbre critique littéraire, Farewell (qui a réellement existé) dans la villa de qui il rencontre Néruda (qui défendit la cause communiste et stalinienne) ce dernier récite des vers à la lune. Je n'ai pas distingué quel regard il porte sur Néruda, j'ai cru sentir de l'ironie.
Dans la villa du critique, le père est en soutane, et sent confusément que Farewell pose ses mains sur ses fesses tout en parlant de Sordello, quel Sordello ? La phrase revient plusieurs fois dans le récit, ainsi que l'image d'un jeune homme aux cheveux blancs, qui pourrait être le narrateur, voire sa conscience. le prêtre semble d'un équilibre précaire, usé par ses derniers moments et les tourments que lui inflige « la tempête de merde » -c'est le titre que Bolaño souhaitait donner à son livre-qu'il a traversée en lâche, « dans ce pays que la main de Dieu a délaissé », et dans lequel la littérature fut impuissante, ou les hommes cultivés indignes. Il repasse sa vie, la chasse à la fauconnerie pour lutter contre les pigeons et la merde qu'ils laissent, et le faucon se fait tuer alors qu'on s'attendait au passage des volatiles pour leur tirer dessus, la maison où se retrouvent les écrivains restés au pays et dans le sous-sol de laquelle on torture les dissidents. La mémoire se veut oublieuse du passé, « de ces années d'acier et de silence ». de plus, on n'était pas là ou si peu, « comme si on se trouvait dans un rêve », ce bout de phrase revient souvent. Peut-être la soutane se levait-elle jusqu'à ses yeux sous les coups d'un vent violent.
le prêtre se défend d'être marxiste, mais il reconnaît qu'il a chez lui des livres marxistes, que la doctrine n'est pas difficile à comprendre ni à enseigner, et le voilà en train de donner des cours de marxisme à la junte, et à Pinochet qui lui parut être un homme cultivé. Il craint-vainement- que cet enseignement ne lui porte tort.
Il est question du Chili sous la dictature de Pinochet. le père brosse un portrait des Chiliens. Il dit d'eux qu'ils sont des sodomites (tiens, tiens) des bavards incontinents, de mauvais buveurs ; qu'ils ont le sens du ridicule ; qu'ils font leurs études en France. Il parle aussi des rues jaunes, du ciel bleu, des vice-directeurs, des cafés, des quartiers dangereux. C'est surtout le pays qui l'obsède, quand il se demandait s'il n'allait pas « se transformer en un monstre que plus personne ne [peut] reconnaître ». Les événements pourtant qualifiables se succèdent, et le prêtre lit les historiens antiques et les auteurs grecs, Pindare, Platon, Zénon d'Elée. Il dresse un état de la littérature, qui se soucie des auteurs d'hier, qui est pétri de culture, qui est aidé par la littérature pour combattre un régime infâme ? Il se déclare non-coupable quand tout son récit témoigne du contraire.
Je referme le livre, et je ne suis pas sûre de l'avoir bien compris. La lecture en est difficile, essouffle. C'est un long monologue ininterrompu. Il n'y a pas de division par chapitres. Les phrases sont longues. L'ambiance est tout de suite posée, la peur, l'égarement, un sentiment d'immensité, la passion pour les livres. L'humour est présent, avec ses amies, l'ironie et la satire.Mais dominent les sentiments d'impuissance et de dégoût.
Je relirai Bolaño, un auteur très engagé dans le champ littéraire, la poésie, un auteur qui ne politise pas la littérature, mais littératurise la politique, aux dires de Bernardo Toro. Les détectives sauvages passent pour son plus grand livre.
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}