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Critique de 4bis


A partir d'un album photos rempli de clichés de la même personne, pris dans les années 70, Christophe Boltanski retrace l'enquête qu'il a menée afin de retrouver le parcours de l'homme photographié. Il faut dire que ces centaines de photomatons intriguent : Jacob n'y a jamais la même tête ni la même posture, pantomime au fil du temps, il arbore autant d'expressions variées et sursignifiantes que de postiches en tout genre : « barbe courte de hipster, toison fournie de vieux loup de mer, bouc méphistophélique, rouflaquettes à la rockabilly, moustache en brosse ou pyramidale… Il changeait de système pileux presque aussi souvent que de tenues vestimentaires. »
La minutie avec laquelle Jacob a retranscrit les nombreuses et différentes adresses où il a séjourné permet de suivre sa trace et de remonter d'une petite enfance relativement aisée à Djerba à une adolescence passée en Israël dans une sorte de foyer religieux pour les jeunes juifs venus des pays arabes. Durant trois ans, Jacob fait son service militaire dans les Golani, unité combattante des forces spéciales. Démobilisé, il part pour la France, entreprend des études d'architecture. Et peu à peu, le narrateur parvient ainsi à retrouver les principales épisodes de sa vie, ses enfants, son dernier métier qui fut aussi une vocation de prendre la tête de la hevra qaddisha, le service funéraire respectant les rituels de la religion juive.
Le destin rocambolesque de Jacob invite à toutes les spéculations, du côté des membres de sa famille qui lui prête une double vie d'espion, comme de celui du lecteur qui cherche, à travers l'enquête et les indices collectés, ce que cet individu a d'emblématique, en quoi il compose la figure héroïque de ce roman. La quête n'est pas complètement déceptive, elle revient simplement à changer la définition du héros pour en faire un individu pétri d'une histoire et d'enjeux géopolitiques qu'il incarne autant qu'ils le dépassent. La singularité de sa vie n'est alors pas une sublimation de ce contexte par la volonté supérieure d'un je acteur mais plutôt l'emblème de toutes ces vies singulières qui, chacune dans leur unicité attendrissante et méconnue, constituent le flot d'une Histoire.
Pour ceux qui espéraient une révélation fracassante, un sens supérieur à cette vie éclatée, de trépidantes courses poursuites ou des maitresses en pagaille pour ténébreux agents secret, c'est raté. Quoiqu'en disent les mythologies jamesbondiennes, l'époque, belliqueuse et sauvagement idéologique, après avoir brisé bien des individus, aura été terne à beaucoup. Déjà les mises en image de l'identité et les gestes artistiques visant à la reconnaissance d'une singularité sont noyés dans la masse et finissent au rebut. Cette enquête, si elle en réhabilite l'intention ne leur rend pour autant pas le sens qu'ils n'y ont jamais trouvé.
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