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EAN : 9782234087439
234 pages
Stock (25/08/2021)
3.54/5   65 notes
Résumé :
369. C’est le nombre de Photomatons que Jacob B’rebi a pris de lui-même entre 1973 et 1974. À quoi pouvaient bien servir ces selfies d’avant l’heure qui montrent tantôt un visage troublé, tantôt un rire forcé, qui paraissent si familiers et lointains en même temps ? Sont-ils l’expression d’une coquetterie, d’un humour solitaire ou la clé d’un mystère ?

Lorsque Christophe Boltanski ouvre cet album ramassé aux puces, il est aussitôt aspiré par ces figur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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« Tu t'accumules. Tu t'amoncelles. C'est une manie chez toi. Tu collectionnes les identités comme d'autres rassemblent des timbres-poste ou des papiers d'oranges. Tu es plusieurs à tel point que l'on peine à te suivre. » Dans un album à la couverture verte, 369 photos du même homme, Jacob, prises entre 1973 et 1974. 369 portraits de photomaton qui se différencient par des accessoires, des coiffures et des attitudes multiples. « Seul face à ton reflet, tu ne cherches pas à t'embellir ou à te magnifier. Même quand tu mets tes lunettes noires, ta casquette de pilote, ton uniforme de soldat ou ton bonnet de laine, tu te montres tel que tu es. » Avec cet album trouvé aux Puces, Christophe Boltanski se heurte à un mystère : qui est cet homme ? Pourquoi a-t-il autant voyagé entre la France, la Suisse, l'Italie et Israël ? « Un officier du renseignement allait-il être démasqué par son album photo ? »

L'auteur part sur les traces de Jacob : en reconstituant fil à fil la trame de cette existence, il se frotte aussi à la grande Histoire. « À force de courir après un fantôme, j'en venais à douter de la réalité même de ses voyages. » Il découvre un homme épris de liberté, saturé de rêves et débordant de vie. Il y a une véritable intention artistique derrière l'accumulation obsédante de ces selfies avant l'heure. « C'est ta machine à te dupliquer. Tu arrives seul et tu repars en quatre exemplaires. Tu te soustrais pour t'additionner. » C'est plus qu'une identité que Christophe Boltanski reconstitue, c'est une famille et une tranche d'histoire tirée de l'anonymat et de l'oubli.

Ce texte m'a beaucoup émue. À mesure des pages et en suivant l'enquête de l'auteur, j'ai regretté de ne pas avoir connu Jacob, cet homme rendu presque abstrait par le format de la photo d'identité. « Rien de plus froid, de plus lisse, de plus trompeur qu'une effigie certifiée aux normes. » Mais Jacob est en fait immensément complexe et riche de dimensions qui se déploient si l'on prend le temps d'observer l'homme au-delà de la photographie.
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A partir d'un album photos rempli de clichés de la même personne, pris dans les années 70, Christophe Boltanski retrace l'enquête qu'il a menée afin de retrouver le parcours de l'homme photographié. Il faut dire que ces centaines de photomatons intriguent : Jacob n'y a jamais la même tête ni la même posture, pantomime au fil du temps, il arbore autant d'expressions variées et sursignifiantes que de postiches en tout genre : « barbe courte de hipster, toison fournie de vieux loup de mer, bouc méphistophélique, rouflaquettes à la rockabilly, moustache en brosse ou pyramidale… Il changeait de système pileux presque aussi souvent que de tenues vestimentaires. »
La minutie avec laquelle Jacob a retranscrit les nombreuses et différentes adresses où il a séjourné permet de suivre sa trace et de remonter d'une petite enfance relativement aisée à Djerba à une adolescence passée en Israël dans une sorte de foyer religieux pour les jeunes juifs venus des pays arabes. Durant trois ans, Jacob fait son service militaire dans les Golani, unité combattante des forces spéciales. Démobilisé, il part pour la France, entreprend des études d'architecture. Et peu à peu, le narrateur parvient ainsi à retrouver les principales épisodes de sa vie, ses enfants, son dernier métier qui fut aussi une vocation de prendre la tête de la hevra qaddisha, le service funéraire respectant les rituels de la religion juive.
Le destin rocambolesque de Jacob invite à toutes les spéculations, du côté des membres de sa famille qui lui prête une double vie d'espion, comme de celui du lecteur qui cherche, à travers l'enquête et les indices collectés, ce que cet individu a d'emblématique, en quoi il compose la figure héroïque de ce roman. La quête n'est pas complètement déceptive, elle revient simplement à changer la définition du héros pour en faire un individu pétri d'une histoire et d'enjeux géopolitiques qu'il incarne autant qu'ils le dépassent. La singularité de sa vie n'est alors pas une sublimation de ce contexte par la volonté supérieure d'un je acteur mais plutôt l'emblème de toutes ces vies singulières qui, chacune dans leur unicité attendrissante et méconnue, constituent le flot d'une Histoire.
Pour ceux qui espéraient une révélation fracassante, un sens supérieur à cette vie éclatée, de trépidantes courses poursuites ou des maitresses en pagaille pour ténébreux agents secret, c'est raté. Quoiqu'en disent les mythologies jamesbondiennes, l'époque, belliqueuse et sauvagement idéologique, après avoir brisé bien des individus, aura été terne à beaucoup. Déjà les mises en image de l'identité et les gestes artistiques visant à la reconnaissance d'une singularité sont noyés dans la masse et finissent au rebut. Cette enquête, si elle en réhabilite l'intention ne leur rend pour autant pas le sens qu'ils n'y ont jamais trouvé.
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Un album photo étonnant tombe par hasard dans les mains de l'auteur : il réunit plusieurs centaines de photomatons (des selfies comme on dirait de nos jours) pris par un inconnu sur quelques années. de qui s'agit-il ? Et pourquoi cette collection obstinée de photos de soi-même ? Christophe Boltanski mène l'enquête, part à la recherche de l'homme qui se cache et se dévoile dans ces photos. À partir de quelques maigres indices, et en voyageant en France, en Tunisie et en Israël, il résoudra l'énigme et pourra dresser le portrait d'un homme ballotté par la vie et, finalement très attachant.
Le livre d'un humaniste que nul destin humain n'indiffère.
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Les Boltanski, tant l'oncle Christian, que Christophe Boltanski me fascinent profondément par cette volonté et cette détermination qu'ils ont tous deux à faire revivre les vies d'individus lambda, d'anonymes.
Ici dans "Les vies de Jacob" (biographie romancée), Christophe Boltanski a, grâce à une recherche approfondie et "têtue" retrouvé et fait renaître Zakine/Jack/Yaccobo/Jacob/Jacques B'chiri dans la multitudes des facettes de ses vies : enfance et départ de Djerba, errances en Europe et vies en Israël ; études/métiers les plus variés, agriculture, soldat, architecte, artiste, profileur et hevra qaddisha.
Sans oublier ces 369 photos sur 4 ans réalisées dans des photomatons et réunies dans un classeur !! qui donnent chair et pour Christophe Boltanski l'impulse de cette recherche d'une vie d'un inconnu.
Dans un autre registre, l'oncle, Christian Bottanski, artiste, photographe, sculpteur et cinéaste a une démarche très semblable puisqu'il a, durant toute sa vie d'artiste, cherché à montrer les humbles, les anonymes, les oubliés de la vie ou de l'Histoire. A titre d'exemple, on peut citer : "Chance 9, Carriageworks" qui fait défiler les visages de nouveaux-nés dans une structure métallique impressionnante ... et qui tente de redonner vie et de garder la mémoire de toutes des bébés anonymes.
Personnellement, je suis profondément touchée par ces deux démarches et totalement fascinée par ces volontés et ces capacités à retrouver et à conserver la mémoire de toutes ces vies oubliées.
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Passer un moment avec Christophe Boltanski (que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer), voilà une perspective qui me réjouit, c'est pourquoi j'ai choisi ce livre.
Dans ce roman qui devient captivant au fil des pages, il enquête sur un album de photos contenant des centaines d'autoportraits.
Qui est cet homme habitué des photomatons qui collectionne ses selfies ?
Au début, l'on a peu d'indices. L'auteur alterne les chapitres, dans lesquels il s'adresse à Jacob en lui disant : « tu… », où l'on voit bien qu'il essaye de se mettre dans la peau de cet inconnu. Puis, il se met en route pour voir les adresses mentionnées dans l'album. On se demande s'il va pouvoir avancer vers l'histoire de Jacob. Ensuite, le récit s'accélère et les rencontres inespérées se succèdent, s'entrechoquent, se justifient, et poussent Boltanski à aller de l'avant. Il joue maintenant le rôle du passeur, du témoin, du récitant homérique qui est capable de rassembler et de transmettre les morceaux du puzzle.
Il voyage de Djerba jusqu'en Israël.
Le terme d' « épopée contemporaine » n'est pas trop fort pour qualifier ce roman magnifiquement sensible.
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critiques presse (6)
Telerama
07 mars 2023
Ce livre-là, bouleversant, de Christophe Boltanski, est né d’une rencontre avec un visage des centaines de fois décliné, reproduit, démultiplié.
Lire la critique sur le site : Telerama
LePoint
19 janvier 2022
Du Modiano sans brouillard, du Perec sans contrainte, avec comme ombre tutélaire Christian Boltanski, cet oncle plasticien qui vient tout juste de disparaître, lui qui exposait des boîtes métalliques remplies de photos de défunts anonymes, qui ressuscitaient pour l’occasion.
Lire la critique sur le site : LePoint
LePoint
09 janvier 2022
À partir de Photomaton d’un inconnu, Christophe Boltanski retrace une vie. Une enquête minutieuse où l’artiste Christian Boltanski apparaît en filigrane.
Lire la critique sur le site : LePoint
Lexpress
14 septembre 2021
Boltanski ne sera pas déçu par ses recherches, et le lecteur encore moins, mené de Barbès à Djerba en passant par Marseille. On va de surprise en surprise dans ce livre envoûtant, aussi émouvant que Dora Bruder de Modiano. (...) Avançant à tâtons avec une grande empathie, Boltanski se rend à l'ambassade d'Israël, interviewe un rabbin méfiant, retrouve les deux enfants de Jacob. Plus le récit avance, plus le mystère s'épaissit autour de lui, à la fois mythomane et saint, contradictoire et menteur, mais d'une incroyable générosité. Il aura consacré un tiers de sa vie à la toilette mortuaire des autres, heureux est-il de voir aujourd'hui Boltanski veiller à sa mémoire.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Psychologies
13 septembre 2021
Un grand texte pour dire l’exil, la solitude, mais aussi le pouvoir de se réinventer à chaque étape de sa vie. On n’oubliera pas Jacob, cet anonyme auquel Boltanski redonne vie de manière magistrale.
Lire la critique sur le site : Psychologies
LesInrocks
31 août 2021
À partir d’un étrange album photo chiné aux Puces, l’auteur découvre la vie d’un inconnu. Et rencontre ses propres obsessions. Un des plus beaux textes de la rentrée.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Pour ressentir le besoin d'accumuler une série à ton effigie, tu as dû être dépossédé de toi-même. Par définition, on ne collectionne que ce qu'on n'a pas. Tu nous entraînes dans une quête ontologique. Comme tout le monde, tu veux savoir qui tu es et d'où tu viens. Tu espères débusquer quelque chose en toi que tu ignores, un spectre indiscernable à l’œil nu qui ne serait perceptible que par la magie d'un daguerréotype. A la manière de ces ufologues qui scrutent le ciel avec leur caméra, tu traques ton ovni intérieur. D'autres, en se multipliant, s'efforcent de disparaître. Toi, tu tentes de te reconstruire, de recomposer à l'infini ton image morcelée. Flash après flash, tu renais enveloppé d'une nouvelle écorce. Chacun de tes visages successifs traduit une possibilité que tu porte en toi.
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Ses séances de pose avaient dû s'échelonner sur une longue durée. On ne troque pas une paire de bacchantes finement taillées pour une barbe touffue en un claquement de doigts. Ses innombrables changements capillaires et pileux témoignaient du passage du temps. C'était comme regarder quelqu'un vieillir en accéléré dans une conserve inoxydable. En feuilletant son porto-folio, je voyais ses traits s'épaissir et les premières ridules apparaître autour de ses yeux en amande. Sa figure tout entière bougeait, évoluait par à-coups, à la manière d'un de ces petits livres animés pour enfants.
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« Rien de plus froid, de plus lisse, de plus trompeur qu’une effigie certifiée aux normes. »
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« Tu t’accumules. Tu t’amoncelles. C’est une manie chez toi. Tu collectionnes les identités comme d’autres rassemblent des timbres-poste ou des papiers d’oranges. Tu es plusieurs à tel point que l’on peine à te suivre. »
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« Seul face à ton reflet, tu ne cherches pas à t’embellir ou à te magnifier. Même quand tu mets tes lunettes noires, ta casquette de pilote, ton uniforme de soldat ou ton bonnet de laine, tu te montres tel que tu es. »
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Videos de Christophe Boltanski (33) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christophe Boltanski
De #MeToo à "Black Lives Matter", les bouleversements de notre société s'invitent dans la sphère culturelle. À l'heure où les sociétés occidentales questionnent leur héritage, comment les musées s'adaptent-ils ? Pour en parler, Guillaume Erner reçoit Cécile Debray, conservatrice générale du patrimoine et présidente du musée national Picasso-Paris, et Christophe Boltanski, grand reporter au "Nouvel Observateur".
#culture #musée #blm ____________ Découvrez tous les invités des Matins de Guillaume Erner ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDroMCMte_GTmH-UaRvUg6aXj ou sur le site https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins
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