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Critique de horline


Liberty petite ville du Texas ressemble fort à l’Enfer sur terre, ses habitants ont beau n’avoir que Dieu à la bouche, c’est le Diable qu’ils aiment écouter, buvant aveuglément les paroles empoisonnées de ce dybou caché au cœur de la forêt de pins. Car Liberty est cette bourgade de terminus du chemin de fer où vit une communauté noire miséreuse écrasée par l'héritage ségrégationniste et qui vivote entre l’église, l’épicerie et le Bloom’s Juke le bistrot local. Il suffit d’un prêcheur à la parole éloquente pour transformer ce patelin baigné par une chaleur suffocante en lieu de damnation. Notamment pour Ruby Bell à la beauté incandescente qui, quarante ans durant, subit les pires sévices et humiliations faisant d’elle une victime expiatoire. Prostitution, viols, pédophilie, rien ne lui sera épargné des années trente jusqu’à 1974…


Une prose brillante sublimée par une poésie mystique et animale, une histoire fascinante et émouvante mais un roman asphyxiant qui confisque le souffle. Le récit est celui du désespoir absolu semé de violence, on est confronté à des situations écœurantes avec des personnages d’une puissance terrifiante. Ils se retranchent derrière la Bible lue le jour tout en s’adonnant aux rites vaudous et sataniques la nuit qu’ils se sont appropriés auprès des blancs. Ce qui est intéressant c’est que Cynthia Bond en a fait un détournement de pouvoir : à la manière des membres du KKK, leur exorcisme sensé chasser les démons n’est que l’expression de leur haine et de leurs pires déviances auprès des plus faibles. On prend conscience entre les lignes qu'ils reproduisent ce qu'on leur a fait subir, avec l’idée selon laquelle le pouvoir aussi maigre soit-il et allié ici à la vertu religieuse porte en lui les germes de la tyrannie.
C’est donc un roman dur et âpre à respirer. Mais si on va jusqu’au bout et résiste à la chape de plomb qui pèse sur le texte, on en ressort envoûté, sous le charme de la beauté rêche de la relation difficile entre deux êtres bafoués, la mal-aimée Ruby Bell et le fils du pasteur Ephram Jennings à la bonté indéfectible.
C’est un amour étrange mais il brille comme une maigre lueur dans les ténèbres au cœur de ce roman qui démarre lentement. Le récit obéit à une narration en pointillé, le temps de tisser les liens entre les différents personnages et révéler progressivement une vérité effroyable. Si on s’impatiente de la lenteur du récit, on se retrouve finalement pris au piège d’une construction magistrale et diabolique car, malgré l’horreur et l’ignominie, on se refuse à lâcher les pages de ce roman sombre et éblouissant.
C’est le genre de roman qui laisse un sentiment ambivalent, on est partagé entre l’admiration et le malaise.

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