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Critique de Lucilou


"Nous traverserons des orages" commence comme une lettre dont on ignore encore l'émetteur et dont on ne connaît du destinataire que cet énigmatique prénom: Saule, promesse de vent et d'eau. de vie.
Et puis, on délaisse le prologue, si beau déjà et on entre à pas feutrés dans l'histoire des Balaguère dont on remonte l'arbre généalogique comme d'autres remontent le cours des rivières, jusqu'à y trouver les racines dans un hameau du Morvan, une ferme que la famille et les gens du coin nomment "Les Chaumes".
Là, on est paysans de pères en fils et parce qu'on se méfie de ce qui vient de loin ou d'en haut, on donne à ces derniers des prénoms qui sentent bon la terre, des prénoms qui s'enracinent. Des noms d'arbres.
L'histoire commence vraiment avec Anzême et son frère Marty, avec la jolie Clairette aussi et les moissons, et l'or des blés. Avec une déclaration de guerre aussi. Nous sommes en 1914 et plus rien ne sera comme avant, pour tout le monde sans doute et pour les Balaguère évidemment dont la famille sera marquée au fer rouge par les tranchées, la cruauté. Par ce qui se passe pour ceux qui restent aussi. L'amour et la guerre, les cris et les secrets, les batailles et les traités, la lumière et les ténèbres.
La vie continue pourtant... la dynastie aussi. C'est ainsi que d'Anzême et Marty le fil ne se rompt pas et nous mène à Charme, à Aloès, à Olivier. Noms d'arbres toujours pour déracinés.
C'est ainsi qu'à travers les récits de vie des membres de la famille, qu'à travers des instants volés aux Chaumes comme autant d'instantanés aux ton sépia, jaunis, Anne-Laure Bondoux nous fait traverser plus d'un siècle d'Histoire, de la Première Guerre Mondiale aux soubresauts d'aujourd'hui en passant par toutes les autres qui ont chacune à leur manière dû meurtrir tant de familles, à l'image de celle des Balaguère aux prénoms de vert et de feuilles: la Seconde Guerre Mondiale, la Guerre d'Algérie... Et toutes ces guerres qui n'en sont pas, tous ces combats dont on tait les noms parce qu'ils font peur ou bien parce qu'ils font trop mal.
Non contente de nous offrir une magnifique fresque, saga familiale sur fond d'Histoire, Anne-Laure Bondoux nous livre aussi une réflexion émouvante, poignante voire douloureuse sur la famille et la transmission, sur les cicatrices et les blessures qui se lèguent aussi sûrement que des yeux noisette, des cheveux bouclés ou des fossettes au coin des lèvres, sur les traumatismes qui s'impriment et imprègnent les arbres généalogiques ainsi qu'un réquisitoire d'une humanité et d'une sensibilité à fleur de page contre toutes les guerres, contre les secrets qui font si mal, contre les silences quand ils sont lourds.
Parce que j'aime les histoires de famille et de transmissions, parce que ce sujet me touche et m'intéresse, parce que L Histoire me passionne, "Nous traverserons des orages" a puissamment résonné en moi.
Parce qu'il est magnifique (magnifiquement écrit!), parce que ses personnages sont si complexes, parce qu'enfin il provoque et convoque les émotions avec une certaine retenue mais beaucoup de sensibilité, je l'ai adoré. Même s'il m'a fait pleurer. Surtout parce qu'il m'a fait pleurer.

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