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Critique de Pasoa


Pasoa
28 septembre 2023
Yves Bonnefoy n'était pas seulement l'immense poète que l'on sait, ou encore l'éditorialiste et critique d'art engagé dans le dialogue des savoirs, il fut aussi un grand traducteur et auteur de nombreux essais sur la littérature. C'est ce que nous confirme l'ouvrage « L'autre langue à portée de voix » paru en 2013 aux éditions du Seuil. Ce livre est un recueil de préfaces, d'actes de colloques, de conférences, de publications extraites de diverses revues qui ont tous pour thème la traduction en poésie.

J'ai trouvé ce livre vraiment passionnant. On y retrouve la réflexion d'Yves Bonnefoy toujours aussi édifiante et lumineuse.
Parler de poésie suppose au préalable, celui de trouver une définition qui soit commune à chacun, de fixer comme un point de rencontre entre l'auteur et le lecteur (entre les lecteurs également). Pourtant, rien ne paraît aussi difficile… C'est par cette tentative qu'Yves Bonnefoy introduit son propos.

Que fait naître en nous la lecture d'un poème ? Qu'est-ce qui secrètement nous en rapproche ou nous en éloigne ? Pour Yves Bonnefoy, l'amour de la poésie ne saurait être qu'affaire d'émotion ou de sensibilité. L'intérêt pour la poésie nous parle plus profondément de notre rapport à nous-mêmes, au monde, mais aussi au langage, aux mots, à leur rythme, à leur familiarité mais aussi à leur étrangeté, de notre capacité à nous laisser emporter, surprendre.

Cette réflexion posée, Yves Bonnefoy aborde le sujet du livre : la traduction en poésie. Pour cela, il s'appuie sur son expérience personnelle (il a entre autres traduit Pétrarque, Leopardi et Yeats) mais évoque aussi celles de Baudelaire et de Mallarmé qui ont les premiers traduit la poésie d'Edgar Allan Poe. Autre exemple choisi, celui de la remarquable traduction de la Divine comédie par Jacqueline Risset.

Quels sont les ressorts mis en oeuvre dans le travail de traduction ? Quels sont les choix, les impératifs auxquels doit s'astreindre le traducteur ? Quelles sont aussi les limites du travail de traduction ? Quel rapport entretenir avec la spécificité d'une langue, avec ses concepts, son histoire, etc. ?

Mille questions qu'Yves Bonnefoy explore avec envie, avec passion. Sous tous les aspects du travail de la traduction, c'est le portrait saisissant de ces femmes et de ces hommes passionnés par la transmission du texte, de la poésie, qu'il nous offre.

« le traducteur se doit d'être un esprit libre, disais-je : mais la traduction, c'est une école de liberté. Et ne serait-il pas déjà ce que l'on appelle un poète, préoccupé de l'indéfait dans la chose, de l'immédiateté dans le rapport aux autres personnes, ce témoin d'un autre poète serait incité à en devenir un et puissamment aidé à y parvenir, les difficultés de sa tâche ne pouvant que l'ancrer toujours plus dans ce grand projet. Un paradoxe ? le paradoxe du traducteur ? Ce qui rend impossible la traduction de la poésie, c'est cela même qui suscite ou renforce en son traducteur qui en souffre une vocation de poète.

Et la compensation, la voici. le traducteur apprend à s'aventurer au profond de soi ; ou, s'il le fait déjà, comprend qu'il a pouvoir de le faire encore plus. La poésie s'est-elle perdue, dans les apories du traduire, non, elle n'a fait que se déplacer, au sein d'une oeuvre où on l'avait constatée vers un travail mené dans une autre vie, à tous ses moments, un travail qui, remarquons-le, approfondira en retour la traduction commencée, puisque la vocation à être poète est vite la liberté de regard qui porte au niveau des grands créateurs et alors les comprend à demi-mot : comme on dit quand on parle à d'autres avec le coeur plus que l'intellect. »

L'autre langue à portée de voix refermé, j'ai une pensée particulière pour tous les traducteurs, pour tous ces passeurs de mots, ces travailleurs de l'ombre connus et moins connus qui nous permettent de découvrir, d'apprécier la poésie d'hier et d'ailleurs.

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