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Critique de BazaR


BazaR
30 septembre 2018
Mais pourquoi je lis si peu de Bordage moi ?
Celui-ci j'avais prévu de le lire il y a deux ans pour le challenge Bordage. Je le lis que maintenant, et encore parce que des amis trolls m'y ont incité pour une LC. Navrant !

Première intrusion dans un Bordage fantasy pour moi (faut dire qu'il n'y en a pas beaucoup). Enfin… fantastique en tout cas, et encore assez léger ; on est à la limite du roman historique, un excellent.
Transcendant les genres, l'auteur inclut ses invariants, ses éléments qui sont sa marque de fabrique. On retrouve l'excrément de ce que l'humanité est capable de produire et de ressentir, présenté sans édulcorant et avec ce talent qui pousserait presque à vomir devant la noirceur du tableau tout en applaudissant. Et au milieu de cette mer d'entropie, des phares de bonté, d'amour et d'héroïsme qui éclairent d'autant mieux par contraste (la scène du mariage de village restera dans ma mémoire). Invariants sur la forme aussi : deux points de vue seulement, alternés dans les chapitres, qui sont tellement loin l'un de l'autre qu'on se demande si seulement ils vont se rejoindre (l'Évangile du Serpent est le must dans le genre) ; avec un PdV guest-star de temps en temps, histoire de lorgner des événements que les deux acteurs principaux ne peuvent pas connaître.

Parlons-en des acteurs : des bijoux, du petit peuple brinquebalé de droite et de gauche par l'ouragan de la Révolution et qui essaie de garder la tête hors de l'eau. Un Émile parangon de vertus, à la beauté physique autant que morale, éduqué et plutôt acquis aux idées neuves et qui voit monter la contre-révolte en Vendée. Il tourne autour de lui comme un vent de l'ancien monde, du temps où les fées n'avaient pas à se cacher. Un Cornuaud beaucoup plus rude, élevé à l'école de la violence pour la survie, enjominé et cherchant désespérément à s'en sortir, recherche qui l'amène à fréquenter à Paris les sociétés secrètes qui volètent auteur du Club de Cordeliers ; un homme qu'on plaint et qu'on hait par intermittence.

Pierre Bordage a beau se présenter comme un écrivain jardinier, il a travaillé son contexte historique à la perfection. La Commune révolutionnaire – la Révolution Française en général – n'est pas une période que je connais bien et j'ai énormément appris grâce à ce talent de conteur inimitable. Pas besoin de film quand on imagine l'assaut des Tuileries à partir de ces lignes. L'histoire ne nous est pas racontée comme s'il s'agissait d'un progrès vers des idéaux magnifiques, mais comme on raconte la Révolution Russe : un beau bordel où les passions des foules sont manipulées par quelques talentueux orateurs, où la lie des comportements humains a pignon sur rue, où l'on en viendrait à regretter l'Ancien Régime et ses belles Lumières du siècle finissant. C'est effrayant… et tellement réaliste. Je suis à présent beaucoup moins impressionné par un Danton et surtout un Marat ; avant que le sang ne s'échappe de leur corps ils en auront fait couler des barils entiers. J'ai plus d'une fois pensé à Staline.

Je l'ai dit, ce livre frôle la perfection. Et la fin nous laisse pantelant, assoiffé, prêts à tout pour lire la suite. Pourtant, je n'ai pas ressenti ce « coup de coeur » qui claque comme un coup de foudre. Plutôt qu'une explosion d'émotion violente, c'est un contentement continu et confortable qui m'a animé. Je pense que la rémanence de ce ressenti se bonifiera avec le temps, comme un excellent cru.

J'ai fini de causer. J'ai hâte de retrouver le patois vendéen qui a illuminé la noirceur tout le long du roman.
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