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Critique de smiroux


Le livre retrace l'histoire des grands-parents du narrateur, de l'Espagne du début du siècle, où on les connait sous les noms de Antonio et Isabel, jusqu'au camp de Mauthausen, avant l'installation en France.
Issus de familles pauvres tous les deux, ils quittent leur Catalogne et Andalousie respectives pour se retrouver dans l'effervescence et la crasse de Barcelone. Chacun à sa façon est prisonnier de traditions de leurs familles catholiques pieuses ; prisonniers aussi des obligations de classe ; prisonnier du qu'en-dira-t-on. Chacun à sa façon va s'émanciper de ces obligations, par le travail d'abord, et puis par leur rencontre et leur amour, évident et puissant.
Mais c'est tout après leur mariage que l'histoire s'emballe. Que les années trente pointent leurs misères et leurs tourments.
Et c'est alors que la grande Histoire, celle de l'Espagne Républicaine, vient se confondre avec l'histoire de deux amoureux. Antonio refuse. Refus du franquisme, bien sûr, mais refus de l'anarchie et des massacres des religieux. Isabelle, elle, donne naissance à deux jolies petites filles ; qu'ils balloteront à travers les Pyrénées, avant l'installation en France. La fin du récit, les camps de la mort, Vincent Borel ne les raconte pas ; il cède la place de son roman aux carnets que son grand-père a écrits à cette époque.
C'est avec une émotion sans nom que nous assistons à la vie de cette famille, à la naissance de ces héros ordinaires, et pourtant hors du commun.
Ce livre pourrait être simplement, mais déjà oh combien important !, un récit des origines, un hommage aux aïeuls, qui ont accompagné chacun de leurs petits-enfants en Espagne, mais aussi en Pologne, en visite des vestiges de leur histoire. Ce n'est pas le cas. Par un remarquable sens de l'Histoire, Vincent Borel double ce portrait d'une description incroyable d'une autre famille : les Gillet. Riche, très riche, famille d'industriels lyonnais, les Gillet sont les relents mesquins d'un siècel sur le déclin, qui refuse de céder la place. La dynastie bouffée par les mariages consanguins, les liaisons obscures avec les pouvoirs fascistes qui se mettent en place, leur belle réputation dans tous les salons européens ; c'est tout cela que l'auteur donne à voir, en contre-point insupportable des luttes communistes et socialistes à l'oeuvre dans toute l'Europe.

Le lien entre les deux familles ? Les Gillet inventent le fil qu'Isabelle travaillera toute sa vie ; ils fréquentent les cafés ou les restaurants de luxe dans lesquels Antonio travaille, avant de prendre les armes ; mais surtout, c'est cette famille qui fabrique et commercialise le Zyklon B, le gaz tueur utilisé dans la chambre à gaz nazies, que verra de trop près Antonio.

Avec une écriture sensible et tout en détail, Vincent Borel fait revivre à la fois les salons feutrés des grandes bourgeoisies européennes, aussi bien que les quartiers crasseux de Barcelone. Il dit l'agitation et la nervosité du siècle. Mais surtout il dit l'admiration qu'il a pour ses deux êtres que rien ne prédisposait à embrasser le destin de l'Europe à bras le corps.

Un très très beau livre, en effet, que cet hommage à Antoine et Isabelle.
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