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Critique de vibrelivre


Bienvenue en Amérique
Linda Boström Knausgaard
roman, traduit du suédois par Terje Sinding
Bernard Grasset 2016/18, 122p


Comment choisit-on un livre parmi d'autres sur une étagère ?

L'auteure est suédoise, et j'aime la littérature scandinave (Danemark, Suède, Norvège). Elle porte le même nom que l'auteur -et pour cause, elle a été sa femme de 2007 à 2016, et lui a donné quatre enfants- de Comme il pleut sur la ville, un livre que j'ai beaucoup aimé, mais je crois que j'aime les livres qui racontent une vie, surtout quand elle doit nous dire comment naît un écrivain. Enfin il est question d'Amérique, encore que très peu, la mère de la narratrice est actrice, et figure la Liberté portant le flambeau, lumineuse donc comme elle veut l'être, et saluant les immigrants.
« Lumineuse » c'est l'adjectif récurrent du roman. La narratrice à la première personne est une enfant de onze ans qui ne cesse de grandir, et qui ne se regarde pas dans le miroir, de peur de s'y voir changée, et devenue une adulte, alors qu'elle constate les transformations physiques de son frère aîné.
Lumineuse qualifie sa famille dans la bouche de sa mère, une famille qui n'a pas encore récupéré du choc que causa la mort du père, une mort que la narratrice a souhaitée et dont elle se sent coupable ; depuis elle a décidé de ne plus parler. Son père, avec ses crises d'angoisse et sa dépression, lui faisait peur, qui la forçait à écouter la chanson qu'il préférait pendant des heures ; il battait sa mère, responsable sans doute d'avoir sacrifié sa vie tranquille à lui à ses ambitions à elle. Mais aussi il emmenait sa petite famille à la pêche, et c'étaient des jours heureux.
Lumineuse est sa mère que petite, elle accompagne au théâtre où elle joue ; et l'enfant se sent en sécurité. Elle se rappelle aussi quand elle se blottissait, plus petite encore, sur ses genoux, et qu'elle pouvait en pleine confiance se laisser aller, quand sa mère la caressait intérieurement, lui enlevant tous ses tracas.
Maintenant son père mort revient la hanter, sa mère va d'amant en amant toujours plus jeune, son frère est brutal mais aimant, grandit, s'isole dans une musique bruyante et cloue la porte de sa chambre, connaît une fille, toutes choses qui réjouissent sa mère.
La narratrice observe, et se protège des autres. le frère et la mère se résignent à son silence qui finira, ils le savent. Déjà elle a écrit dans le cahier que sa mère a mis à sa disposition pour qu'elle y écrive les choses importantes. Elle se souvient d'épisodes passés, du temps où elle était innocente ; elle se souvient aussi de sa mère forte, qui s'opposa au directeur de l'école qui suggérait de ne pas la laisser entrer au collège. Elle boit toujours comme avant son lait aux myrtilles.
C'est un récit concis, le roman n'est pas épais, d'une petite fille qui ne parle pas mais qui, précisément grâce au silence, se rend compte qu'une époque est en train de disparaître. L'écriture de son cahier intime est mélancolique, sensible à ce qui se passe, aux aguets de la vie qui s'agite sans qu'elle y prenne part activement, elle qui se tapit dans sa chambre mais se rend dans la cuisine quand elle a faim. Les mots économes laissent toute la place à la nostalgie d'une enfance déjà marquée par le drame, celui d'une lumière perdue et d'une période qui ne durera pas. C'est comme de la neige qui colle encore à une fenêtre, mais fond déjà.

Comment on choisit un livre parmi d'autres n'est pas dû au hasard. Cela doit relever d'une opération secrète, guidée par un rêveur et un sourcier.
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