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Critique de paroles


Ne cherchez pas Europolis sur une carte, vous ne la trouverez pas. Comme vous ne trouverez pas Jean Bart, l'écrivain. L'auteur, de son vrai nom Eugeniu P. Botez (écrivain et journaliste roumain, 1874-1933) a pris ce pseudo en hommage au corsaire français bien connu. Quant à Europolis, il s'agit de la petite ville portuaire de Sulina, à l'embouchure du Danube.

Cette ville, Jean Bart la connaît bien et pour cause il y a vécu et travaillé. Alors quelle magnifique occasion pour y planter son décor ! Une ville cosmopolite où se croisent différentes nations, où les langues étrangères sont plus ou moins connues et parlées par tous, où les riches côtoient les pauvres. C'est une petite ville qui a été choisie au milieu du XIXe siècle pour être le siège de la commission européenne du Danube, organisme chargé d'assurer la transformation des canaux pour les rendre navigables.

Sulina, petite ville portuaire au passé commerçant important commence à perdre de sa superbe. Aussi quand les habitants apprennent que le frère de Stamati revient au pays, les espoirs de gloire et de richesse renaissent. Lui, Nicola, le frère parti en Amérique, c'est sûr qu'avec tous ses dollars, il pourra investir ici et là et redorer le blason de tout à chacun. En commençant par son frère et sa soeur qui empruntent à tour de bras pour remettre en forme leurs affaires (café pour l'un et salon de coiffure pour l'autre) déclinantes. Et quand débarquent du bateau l'Américain et sa fille Evantia, inutile de dire qu'ils sont fêtés en messie. On en oublierait presque que le premier se retranche derrière un mutisme plutôt incompréhensible et que la seconde est, comment dire... noire.

C'est avec un plaisir intense, une certaine jubilation, que l'on découvre cette histoire aux nombreux personnages, car chacun y est méticuleusement décrit et analysé. L'étude de ceux-ci est un vrai catalogue humain où les rapports sont finement scrutés, analysés, détaillés et relatés. Et force est de constater qu'il n'en sort rien de très glorieux. Tout ici n'est que tromperie, duperie, faux-semblant, désillusion, malheur et solitude.
L'avancée de la lecture permet aussi l'analyse de la réalité sociale (multiculturelle) de Sulina, de son fonctionnement, des habitudes de travail et l'observation des us et coutumes des habitants, jusqu'à leurs manies (surtout celles d'observer ce qui se passe chez autrui). C'est un vrai spectacle divertissant parfois drôle, parfois cynique.
C'est aussi un vrai travail de bâtisseur de la part de l'auteur, mais un travail bâti sur du sable, comme celui qu'il faut sans cesse enlever du delta du Danube pour permettre le passage des bateaux. C'est un château de cartes qui s'effondre ou mieux c'est un décor de cinéma laissé à l'abandon.
« Cette ville, créée par les besoins de la navigation, sans industrie ni agriculture, est condamnée à être rayée de la carte du pays, si on choisit un autre bras du fleuve comme porte principale du Danube. »

C'est un livre que j'ai eu grand plaisir à découvrir, un livre truffé de personnages et de péripéties, une observation précise d'une époque et d'un lieu. Et je remercie infiniment Gabrielle Danoux, la traductrice, de m'avoir permis de me pencher sur ce petit coin de la mer Noire.
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