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Gabrielle Danoux (Traducteur)
EAN : 9781536809824
304 pages
CreateSpace Independent Publishing Platform (31/07/2016)
4.12/5   29 notes
Résumé :
Au-delà de toutes les autres considérations, Europolis reste un très beau roman d'époque sur l'éphémère, l'illusion et l'échec, un roman dans lequel la mosaïque ethnique du Levant à l'embouchure du Danube sert de cadre social et d'effigie identitaire de la frontière maritime roumaine. Bien évidemment, beaucoup de choses ont changé, et Sulina ne ressemble plus aujourd'hui au port dynamique et cosmopolite des années 1920. Le charme et le pouvoir de séduction du livre ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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Le Danube est le fleuve au monde qui traverse le plus grand nombre de pays, il charrie dans ses eaux beaucoup d'histoires qui brouillent les cartes géographiques. Il n'est donc pas étonnant de voir des écrivains en faire un véritable espace littéraire, à l'image d'Eugeniu Botez.
Europolis se présente comme une promesse d'exotisme suranné avec une ville à l'embouchure du Danube affichant tous les atours d'un port cosmopolite et dynamique, une peinture bigarrée des personnages, une intrigue alimentée par les bavardages et les rumeurs, une exaltation et une ardeur turbulentes qui prêtent parfois au comique. Mais fort de son expérience navale, Eugeniu Botez se charge de démystifier cette vision romantique avec un roman au réalisme mordant qui s'enfonce sans cesse dans la désillusion, la noirceur voire la férocité.

Ce qui me fascine ici c'est moins l'histoire d'immigration et du retour dans une ville qui invite au départ que l'aspect documentaire qui s'étoffe au fil de la lecture. La sensation de déceler quelques enseignements autour des relations entre les diverses communautés vivant sur ce territoire mêlant Orient et Occident. Avec une vision qui s'élargit pour devenir panoramique, la tentation d'interpréter ce qui se tisse derrière les espoirs et la haine ravageuse qui se propagent dans le récit était grande.
Et considérer que si les premières pages suggèrent un brassage des cultures allié à une richesse tirée de l'activité portuaire, la succession des chapitres dépeint une ville promise au déclin et avec elle des rivalités sous-jacentes qui poussent la colonie grecque à sacrifier ici l'un des siens dés lors qu'il ne contribue pas à la richesse de celle-ci ou menace sa stabilité.

Roman captivant ne serait-ce que par sa description remarquable de la vie portuaire et de la population qui gravite autour de ce lieu à forte charge symbolique.
Et je ne peux que recommander la lecture de la critique d'Apoapo riche d'informations sur le concept de levantinité auquel peut être affilié Europolis .
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🎶Mon dieu que j'aime ce port du bout du monde que le soleil inonde de ses reflets dorés🎶

C'est ce qu'inspire la lecture d'Europolis, dont l'intrigue se déroule à Sulina, une ville portuaire à l'embouchure du Danube, paradoxalement aussi ouverte sur le monde qu'elle est refermée sur elle-même, avec ses routines, ses ragots et le regard acéré de chacun sur tous.

Aussi, lorsque Stamati, le tenancier du café en face du débarcadère, reçoit une lettre l'informant du retour de son frère, parti aux Amériques des années plus tôt, la nouvelle fait l'effet d'une bombe dans la communauté. le retour de l ‘enfant prodigue et avec lui l'espoir de subsides que n'aura pas manqué d'amasser « l'américain ».

Première surprise lorsqu'il débarque, il est accompagnée de sa fille, une jeune métis sensuelle et envoutante, qui fait frémir corps et coeurs.

Le port l'accueille avec les honneurs proportionnels aux bénéfices escomptés. Evantia séduit un jeune officier. Mais sa beauté et sa naïveté en fait une proie facile pour le séducteur Deliu avec qui elle se compromettra.

La jalousie des femmes et la sottise des hommes coûteront cher à ceux qui incarnèrent quelque temps l'espoir de fructueux profits.

Ce roman roumain d'Eugenio Botez, qui écrit sous le pseudonyme de Jean Bart date du début du 20è siècle. c'est le premier tome d'une trilogie jamais achevée. Dommage. L'histoire est singulièrement moderne, si l'on excepte les propos très misogynes, à un tel point que l'on se demande s'ils ne sont pas à prendre au second degré, soulignant les propos ineptes de marins en goguette.

L'ambiance d'un port de commerce du sud, vivant, ensoleillé, bruyant et remuant est parfaitement restitué. On a l'image d'une fourmilière organisée que l'arrivée des deux personnages venus de loin agite comme le ferait un coup de pied. Avec les conséquences dramatiques qui en découleront.


Merci infiniment à Tandarica pour m'avoir proposé la lecture de cet auteur , dont je n'avais jamais entendu parler, mais qui mérite le détour.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Europolis est un roman sur le déclin : déclin du port de Sulina, situé à l'embouchure du Danube, où la lutte contre l'ensablement est perpétuelle et finira par être perdue. Déclin aussi pour la plupart des personnages, dont les rencontres dans cette ville portuaire ne vont pas être suivies dans l'ensemble d'évènements heureux.
Cette ville portuaire, coincée entre le fleuve et la mer, bruit de rumeurs, médisances, racontars. Les hommes et les femmes, de tous horizons, s'y côtoient, cherchant chacun à tirer le meilleur de son existence, en pure perte le plus souvent.
L'élément déclencheur de cet histoire est le retour d'Amérique d'un enfant du pays. Tous le croient riche et vont agir en fonction de cette croyance, n'hésitant pas pour certains à s'endetter pour le recevoir ou à commencer des travaux dont on espère qu'il pourra les subventionner.. Il n'en est rien et la déception, à l'égal de l'espoir qui s'était emparé des habitants sera immense, et suivie de rancune, laissant l'homme et sa fille dans le dénuement.
C'est un roman aux nombreux personnages, tous décrits avec beaucoup de justesse. C'est un roman aux saveurs multiples, cosmopolites,
J'ai cependant regretté qu'il soit si empreint de tristesse, rendant sa lecture un peu longue pour moi.
Un petite suggestion: J'aurais apprécié de disposer d'une carte pour mieux situer les lieux. Je l'ai, bien entendu, consultée par ailleurs, mais j'aurais aimé pouvoir y revenir sur ma liseuse.
Je remercie infiniment Gabrielle Danoux, la traductrice, notre chère Tandarica, de ce partage qui m'aura permis de sortir de ma zone de confort.
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Ne cherchez pas Europolis sur une carte, vous ne la trouverez pas. Comme vous ne trouverez pas Jean Bart, l'écrivain. L'auteur, de son vrai nom Eugeniu P. Botez (écrivain et journaliste roumain, 1874-1933) a pris ce pseudo en hommage au corsaire français bien connu. Quant à Europolis, il s'agit de la petite ville portuaire de Sulina, à l'embouchure du Danube.

Cette ville, Jean Bart la connaît bien et pour cause il y a vécu et travaillé. Alors quelle magnifique occasion pour y planter son décor ! Une ville cosmopolite où se croisent différentes nations, où les langues étrangères sont plus ou moins connues et parlées par tous, où les riches côtoient les pauvres. C'est une petite ville qui a été choisie au milieu du XIXe siècle pour être le siège de la commission européenne du Danube, organisme chargé d'assurer la transformation des canaux pour les rendre navigables.

Sulina, petite ville portuaire au passé commerçant important commence à perdre de sa superbe. Aussi quand les habitants apprennent que le frère de Stamati revient au pays, les espoirs de gloire et de richesse renaissent. Lui, Nicola, le frère parti en Amérique, c'est sûr qu'avec tous ses dollars, il pourra investir ici et là et redorer le blason de tout à chacun. En commençant par son frère et sa soeur qui empruntent à tour de bras pour remettre en forme leurs affaires (café pour l'un et salon de coiffure pour l'autre) déclinantes. Et quand débarquent du bateau l'Américain et sa fille Evantia, inutile de dire qu'ils sont fêtés en messie. On en oublierait presque que le premier se retranche derrière un mutisme plutôt incompréhensible et que la seconde est, comment dire... noire.

C'est avec un plaisir intense, une certaine jubilation, que l'on découvre cette histoire aux nombreux personnages, car chacun y est méticuleusement décrit et analysé. L'étude de ceux-ci est un vrai catalogue humain où les rapports sont finement scrutés, analysés, détaillés et relatés. Et force est de constater qu'il n'en sort rien de très glorieux. Tout ici n'est que tromperie, duperie, faux-semblant, désillusion, malheur et solitude.
L'avancée de la lecture permet aussi l'analyse de la réalité sociale (multiculturelle) de Sulina, de son fonctionnement, des habitudes de travail et l'observation des us et coutumes des habitants, jusqu'à leurs manies (surtout celles d'observer ce qui se passe chez autrui). C'est un vrai spectacle divertissant parfois drôle, parfois cynique.
C'est aussi un vrai travail de bâtisseur de la part de l'auteur, mais un travail bâti sur du sable, comme celui qu'il faut sans cesse enlever du delta du Danube pour permettre le passage des bateaux. C'est un château de cartes qui s'effondre ou mieux c'est un décor de cinéma laissé à l'abandon.
« Cette ville, créée par les besoins de la navigation, sans industrie ni agriculture, est condamnée à être rayée de la carte du pays, si on choisit un autre bras du fleuve comme porte principale du Danube. »

C'est un livre que j'ai eu grand plaisir à découvrir, un livre truffé de personnages et de péripéties, une observation précise d'une époque et d'un lieu. Et je remercie infiniment Gabrielle Danoux, la traductrice, de m'avoir permis de me pencher sur ce petit coin de la mer Noire.
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« Où donc me menez-vous, songes vains ?
Sur un champ d'eau sans nul chemin…
Peuples microscopiques, rois, soldats savants,
Les générations se suivent, se croient les premières, Mouches éphémères brillant dans un monde d'une aune,
Nous, enfants de ce petit univers.
Nous faisons sur notre terre des monticules de fourmilières. », Eminescu

Sulina, port cosmopolite à l'embouchure du vieux Danube dans les années vingt, offre le théâtre vain des illusions des hommes. Le temps passe et balaie leurs certitudes pour le meilleur ou pour le pire.

Tout comme l'activité portuaire de Sulina, son effervescence et sa fièvre, voués à disparaître sous les langues de sable du Danube, les hommes trébuchent et passent leur tour.
Que reste-t-il de leur passage enfoui sous la vase du temps qui passe ?

La Sirène noire, Eventina, échouée dans ce paysage insolite, humide et venteux m'a parfois fait penser à la Cosette de Victor Hugo. Son chemin parsemé de malchance rencontre de temps à autre, au bord du gouffre, une main tendue, la bienveillance et l'amour.

« La chance ne frappe qu'une fois à la porte d'un homme… le tout est de savoir ouvrir à point. »
Dans cette histoire, beaucoup de personnages semblent avoir perdu la clé de ce bonheur si simple. Et le lecteur de se morfondre lorsqu'il voit l'un deux aveugle et sourd à cet appel, à l'écho lumineux de la Sirène noire.

J'ai beaucoup aimé ce roman. Microcosme étonnant où l'auteur explore les bas-fonds de l'âme, noirs comme le charbon, tout autant que les rares perles qui jaillissent dans le regard d'une petite fleur couleur chocolat venue des îles.

C'est aussi une formidable immersion dans le passé, où les marécages et la beauté du Danube se mêlent. Piraterie et commerce, bassesses et vanité, complots et mensonges, pureté et naïveté, ignorance et fragilité, sont les ingrédients de ce roman à l'écriture vivante et colorée, découvert grâce aux critiques de Tandarica.
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Citations et extraits (140) Voir plus Ajouter une citation
De jour comme de nuit, on œuvrait au chargement des bateaux. Au cœur de la journée uniquement le port était comme mort. Sous l'averse dorée du soleil estival, engourdie, la nature tout entière dormait. Aucun signe de vie, pas le moindre souffle de vent. La terre et l’eau, les hommes et les animaux tombaient soudain dans une sorte de profonde léthargie. Une fois que le soleil au zénith l'avait par une aveuglante luminosité rendu muet et doré, le port ressemblait, dans la fournaise diurne, à une ville morte, ensommeillée par ensorcellement, pétrifiée par les siècles : une ville fantôme.
Une poussière vaporeuse, qui vibrait dans l’air, flottait à l’horizon comme une mousseline transparente. Dans la rade portuaire, au loin, sous un ciel de porcelaine, de noirs navires gisaient, amarrés, immobiles, pareils à des jouets cloués à la surface lisse de la mer, blanche, étincelante comme une coulée de mercure.
Allongés les uns à côté des autres, dans l’ombre d’un tas de charbon, les dockers, exténués, noirauds, à moitié nus, dormaient.
Devant la douane, près de la guérite qui projetait une ombre illusoire, un garde-frontière roupillait, appuyé à son arme.
Le café en face du débarcadère était vide.

[Ziua și noaptea se lucra la încărcarea vapoarelor. Numai în miezul zilei portul era mort. Sub ploaia de aur a soarelui de vară, natura întreagă dormea moleșită. Nici o adiere, nici un semn de viață. Pământul și apa, oameni și animale cădeau parcă deodată într-o adâncă letargie. Nicio viețuitoare nu mai mișca pe cheiurile înfierbântate. Când soarele ajungea la zenit, portul mut, poleit într-o lumină orbitoare, părea în arșița zilei un oraș mort, adormit printr-o vrajă, pietrificat de veacuri – un oraș fantomă.
O pulbere vaporoasă vibra în unde, plutind în zare ca o muselină transparentă. În rada portului, departe, sub un cer de porțelan, două vapoare negre, zăceau ancorate, fixe, ca niște jucării țintuite pe marea netedă, albă, sclipitoare ca o placă de mercur.
Lungiți la rând, sub peticul de umbră la baza piramidei de bulgări de cărbuni, dormeau doborâți hamalii, negri, pe jumătate goi.
În dreptul vămei, lângă ghereta care da o iluzie de umbră, un grănicer la post pirotea în picioare rezemat de armă.
Cafeneaua din fața debarcaderului era goală.]
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Le terrifiant mystère de la mort le glaçait, ralentissait les battements de son coeur. Peu à peu il se remettait. Il ouvrait les yeux essayait de bouger les doigts et une lueur d’espoir le ranimait quelques instants. Plongé dans une torpeur continue, il vivotait uniquement dans son passé.
Les images se succédaient, d’abord récentes, les derniers événements de la nuit pendant laquelle il avait été blessé, ensuite la querelle du débarcadère quand, acculé, il avait sorti son couteau pour se défendre, l’accueil de ses parents et compatriotes, qui le croyaient riche, puis son long voyage en bateau, sa vie aux colonies. Toute son existence se déployait devant lui, son imagination remontait jusqu’aux années de son enfance dont il se souvenait très bien.
Il plongeait dans ses souvenirs d’enfance, et se voyait avec une acuité qui l’épouvantait, surtout la fois où il faillit se noyer dans le Danube.
Il était tombé à l’eau, le courant rapide l’avait happé et entraîné sous un chaland. Il s’était parfaitement rendu compte du danger. S’il avait tenté de remonter à la surface, il était perdu. En tâtonnant au fond du chaland, il s’était traîné jusqu’à sentir le gouvernail, alors il avait sorti la tête hors de l’eau. Il avait ressenti le frisson et les griffes de la mort. Par quel miracle y avait-il échappé alors ? Ç’avait été une lutte entre la vie et la mort. Il avait lutté et vaincu. « J’étais jeune, j’étais fort », pensait-il.
À présent, il sentait qu’il s’en allait, glissait dans un abîme sans fond. Sa faiblesse et son impuissance étaient telles qu’il ne tentait plus rien, il s’en remettait à Dieu. Il s’efforçait de se juger comme il aurait jugé un étranger, de s’expliquer sa vie et ne lui trouvait aucun sens. Un enchaînement sans fin de souffrances, d’ennuis… Pourquoi ? Il n’avait jamais eu de chance. Pourquoi certains vivent-ils bien et d’autres mal ? Maintenant, c’était fini. Pourquoi Dieu n’avait-il pas voulu être bon avec lui aussi ? Voilà ce qu’il ne comprenait pas.
« C’est fini… plus rien à espérer. » Il sentait bien au fond de lui-même qu’il mourait, mais il ne parvenait pas à se faire à cette idée. Quelque chose échappait à son entendement. Il fut saisi de pitié pour lui-même, pour sa fille qui restait seule.
Il essaya de réciter dans sa tête une prière connue depuis l’enfance. Mais il ne se souvenait pas de tous les mots. Alors, de dépit, comme un enfant, il éclata en larmes, des larmes brûlantes, de désespoir.
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Spiru Karaianis était trapu, il avait de grosses mains et une tête de bouledogue, les dents espacées et des lèvres épaisses. C’était le type même du Levantin aux multiples patries, qui s’était enrichi sur le Danube. Venu tout jeune de Marmara, il fut tour à tour balayeur des bureaux d’une agence de voyages dirigée par son oncle, coursier pour documents douaniers et de capitainerie, transporteur de vivres en barque et quatorze ans seulement après, de simple batelier, il devint armateur millionnaire, en possession de quatre navires. En dehors des qualités innées, il était armé d’un anglais levantin appris au Roberts College, école américaine de Constantinople. Au cours d’un voyage à Londres, il avait comploté avec une partie des armateurs anglais pour évincer son oncle ; en détournant à son profit toute sa clientèle, il s’était établi à son compte. Vite enrichi, il n’oublia pas sa patrie. Il avait fait construire à ses frais deux écoles : l’une dans son village natal, l’autre au Pirée.
Admiré, et même envié, il se partageait entre ses trois patries. Il était né dans une île de Turquie, s’était enrichi en Roumanie et faisait de la politique en Grèce.
Il participait à tous les congrès avec mandat de représenter les intérêts des armateurs de la marine marchande grecque.
Affamé, Karaianis surveillait Evantia avec des yeux de loup depuis le jour même où elle avait débarqué à Sulina. Mais il n’avait jamais pu l’approcher. Et soudain, alors qu’il s’y attendait le moins, il vit que le fruit désiré ne demandait qu’à être cueilli. Par défaut de maîtrise, il se démasqua, incapable d’étouffer le désir suscité par l’apparition de la fille venue naïvement quémander un emploi pour son père.

(p. 230)
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– Quel geste ? fit le docteur avec curiosité, en allumant son havane.
– Vous verrez, c’est intéressant. Et le policier en chef de raconter : c’était pendant la guerre entre la Grèce et la Turquie, vers 1896. La Grèce avait spécialement affrété un bateau pour rapatrier les Grecs disséminés aux quatre coins du Danube. Le vaisseau des futurs combattants arriva de Brăila et accosta sur le quai, juste en face du salon de coiffure. L’élan grec était à son apogée dans le port. Nicu bouillonnait. Ayant passé l’âge du service militaire, il ne se trouvait pas sur la liste du consulat. À la dernière minute, lorsque le navire leva l’ancre, il ne pouvait plus se retenir. Il explosa ! Il jeta son rasoir et le blaireau savonneux, et en l’état, gardant sa blouse blanche, voilà qu’il se précipita dehors comme un fou. D’un seul bond, il sauta à bord et le voilà parti. Sur le siège, devant la glace, une moitié de visage rasée, l’autre blanchie par le savon, son client l’attendait toujours. Sur le quai, Olimbia, sa femme, s’était évanouie dans les bras de sa famille, car Nicu partait sans se retourner. Il lorgnait tout droit vers son pays qui le rappelait à son devoir. Il ne put participer à la fameuse bataille de Domokos. À peine arrivé au Pirée, il trébucha sur des rails dans le port et contracta une entorse à la cheville qui lui valut trois mois d’immobilisation sur un lit d’hôpital. Il revint parmi les siens en héros. Il y a quelques années, peu après l’assassinat du roi George de Grèce, je l’ai découvert dans son salon, à sangloter comme un enfant. Il s’arrachait les cheveux en jérémiades : « J’avais bien dit qu’il ne fallait pas le laisser sortir seul dans la rue. Ils sont tous fous là-bas. Comment peut-on tuer Gheorghios Protos*, le meilleur et le plus généreux des rois que la Grèce ait jamais eus ! » J’ai éprouvé le plus grand mal à le calmer. Il s’était mis en tête de gagner Athènes pour venger la mort du roi. Puis il est devenu le plus zélé partisan de Venizélos.

*En grec, « prôtos » signifie premier, soit George Ier.
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–Là-bas, les gens savent faire de l'argent, mais ils ne savent pas le dépenser. Ils marchent comme des fous dans les rues, au pas de course. Il y en a un qui a failli me gifler parce que je l’avais arrêté pour lui demander du feu. C'est qu'ils ne s'attardent pas comme nous au café, en discours, causeries ou bavardages. Ils travaillent, courent et s'agitent jour et nuit.
[–Știu să facă bani oamenii de–acolo, dar nu știu să‑i cheltuiască. Umblă ca nebunii la fugă pe străzi. Unul era să mă cârpească fiindcă l‑am oprit să‑mi dea un foc pentru țigară. Că ei nu stau ca noi la o cafenea de vorbă, la taclale și taifas. Muncesc, aleargă și se frământă ziua și noaptea.]
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Vidéo de Eugeniu Botez
Avec Michel Vergé-Francheschi, Arthur Chevallier
Surcouf né sous Louis XV, mort sous Charles X traverse de 1773 à 1827 la Révolution et l' Empire. Malouin d'origine normande, il est l'un des corsaires les plus célèbres après Jean Bart et Duguay Trouin. Franc maçon mais capitaine négrier. Marin absent à Aboukir et Trafalgar. Homme des Lumières apparenté aux frères Lamenais. Roturier mais gendre d'anobli, il est homme des contradictions. Jeune homme il rêvait de gloire et de fortune. Mort à 54 ans il a rempli ses objectifs au delà de toutes ses espérances.
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