AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de DOGONColas


L'histoire de France est le sujet perpétuel d'une grande querelle qui transcende nos vies : doit-on céder au roman national ? Légende dorée ou roman noir ? Quelle(s) origine(s) choisir ? Quel enseignement ?
L'histoire a un rôle politique : celui d'apporter connaissances et savoirs à tous. Mais le lien entre « identité » et « histoire » échauffe automatiquement les esprits.

Avec l'élection présidentielle française de 2017, l'histoire de France a été saisie, manipulée, maltraitée, simplifiée, niée dans les discours politiques. Et c'est par égard à cette actualité furieuse et en réaction que fut rédigé « Histoire mondiale de la France ».

L'intention est louable : ouvrage collectif, savant et à destination d'un vaste public. Évidemment le succès commercial rencontré par ce livre enthousiasme.

Mais cette « Histoire mondiale de la France » souffre de plusieurs défauts et approximations, a minima pouvant être débattus. le livre a été pensé comme une réaction aux polémiques historico-identitaires, il est politique, militant même et de fait doit être lu tel quel : un discours orienté.

Le titre est regrettable « Histoire... », un singulier qui jure avec les 146 histoires, historiettes, nouvelles composant le livre. le « parcours buissonnier » est sensé permettre de rapprocher certaines histoires entre elles mais le choix des thèmes ne m'a pas convaincu.

Ces « Histoires » sont destinées au grand public : une bibliographie sommaire, pas de notes, un fil directeur parfois invisible, de courtes nouvelles historiques qui amplifient et frôlent parfois l'anecdotique … Un lecteur non-issu du monde universitaire qui chercherait à réétudier, redécouvrir l'histoire de France peut-il vraiment y trouver satisfaction ? S'il est militant peut-être.

« Histoire mondiale... » nous enseigne le titre. C'est le fil directeur de l'ouvrage de proposer un autre regard sur l'histoire de France, différente d'une histoire nationale close, une histoire qui rend hommage à ses dimensions extérieures, européennes, planétaires. Mais il m'a semblé lire plus une « Histoire par le monde de la France » qu'une « Histoire de la France dans le monde » et encore moins une « Histoire du monde et de la France ». A noter aussi que l'ouvrage ne s'inscrit pas complètement dans le genre des histoires des relations internationales.

Surtout « l'ouverture » du livre où s'expose l'intention de ses auteurs m'a été plus d'une fois dérangeante. D'abord par le rejet catégorique des historiens critiques (« le rappel à la complexité ne peut être le dernier mot des historiens, sauf à se faire des professionnels du désenchantement »). Je considère que l'historien est un scientifique, un chercheur, un créateur de lien social, un médiateur entre le savoir et le public. P. Boucheron tient ici des mots très durs, qualifiant de fait ses collègues soit d'enchanteurs publicistes (« aux facilités narratives d'un récit s'éloignant sans scrupules de l'administration de la preuve ») ; soit de désenchanteurs au labeur « morne et austère ».

Vouloir s'inscrire et s'inspirer des écrits de Braudel est également une démarche louable ! Bien que je doute que le lecteur non-issu du monde universitaire soit au fait de l'historiographie en France. Et il m'apparaît surprenant que P. Boucheron n'évoque absolument pas les travaux historiographiques des années 1990-2000. A croire que depuis les années 1980, Braudel et Nora la réflexion sur l'histoire de France n'a guère évolué. Si c'est un oubli c'est un oubli très regrettable.

L'ouvrage est militant et orienté, son discours doit être analysé et compris pour que le lecteur ne puisse être trompé lors de sa lecture. Il veut s'émanciper des modèles déjà existant mais à un discours identitaire de l'histoire est-il judicieux d'opposer un autre discours identitaire qui n'est que son opposé ? le livre a été écrit avec plusieurs plumes, dans une certaine précipitation pour que sa publication coïncide avec l'actualité présidentielle, il n'y a pas de carte, peu d'illustration ; bref cet ouvrage m'a déçu. Plus « Histoires mondialisées en France » qu' « Histoire mondiale de France ».

Reste le positif : pouvoir apprécier des perspectives différentes, savantes sur l'histoire ; et considérer que ce livre est une synthèse récente, une pierre à ajouter au mur du grand débat sur l'histoire de France. En faisant abstraction de son intention militante, l'ouvrage est un excellent complément aux synthèses plus « classiques ».
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}