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Critique de Wyoming


Je n'ai jamais été très généreux envers Franck Bouysse au niveau des étoiles octroyées, mais je reviens quand même vers lui car, au-delà des imperfections de ses textes, il a du style et je le trouve particulièrement bien déployé dans cette glaise cantalaise.

Alors quatre étoiles -- j'ai failli succomber à la cinquième -- car ce roman noir est incontestablement très beau, structuré, empli d'images de la nature, des odeurs des fermes, du travail de la terre, avec en toile de fond la Grande Guerre qui fauche les vies, écrivant déjà sur de futurs monuments aux morts tant de noms d'êtres arrachés à leur terre, à leur vie pour succomber dans des combats dont ils ne pouvaient comprendre l'absence de sens.

Les personnages sont très travaillés par Franck Bouysse, avec, du côté des hommes, le jeune héros, Joseph, intègre, docile, amoureux, très attachant, mais aussi les autres tels que Léonard, père de remplacement plein de connaissances et de compréhension, et enfin le "méchant", Valette dont les traits dessinés par Bouysse me rappellent certains fermiers intransigeants que j'ai pu connaître encore qu'ils n'aient pas sombré dans l'ignominie de Valette.

Les femmes sont aussi de grandes figures de ce roman, depuis la grand-mère, Marie, prête à affronter le grand passage qu'elle sent venir et qu'elle accepte malgré la peur de mourir dans la nuit, Mathilde, la mère que Bouysse a voulu peut-être insignifiante pour compenser avec l'épouse de Valette, Irène, pas gentille, mais brisée par les malheurs et par son mari, jusqu'à Anna, la jeune fleur arrivée de la ville avec laquelle Joseph partagera des émois que j'ai trouvés très beaux. Certains pensent qu'en 1914 les jeunes ne franchissaient pas aussi abruptement les pas qui vont de l'amour naissant au plaisir délirant des corps. Ceux-là n'ont pas bien regardé ce qu'étaient la vie et l'amour de tous temps, même si morale civique, religion ou quelque autre contrainte condamnaient par principe ou concupiscence.

Dieu est un autre grand présent de ce roman vécu dans les campagnes du Cantal où la foi se partageait entre crainte, sincérité ou tout simplement évidence. J'ai bien aimé le commentaire à propos de la grand-mère qui "continuait de croire au bon Dieu mais plus beaucoup aux curés".

Alors, il faut évoquer la fin, toute dans le style de Bouysse, je ne dirais pas qu'elle est bâclée comme je l'ai ressenti dans d'autres de ses romans, et s'il lui manque certaines précisions, l'interprétation est offerte au lecteur et les trois dernières pages évoquant un berger restant auprès de ses "bêtes impassibles" plutôt qu'aller annoncer une ultime découverte m'ont vraiment séduit.

Donc, un beau roman, torturé, travaillé, très abouti.
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