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Critique de Eric76


« le diable, il habite pas les enfers, c'est au paradis qu'il habite. »
Une phrase lourde de sens, lancée à la cantonade par le vieil Abel et qui a fortement impressionné le pauvre Gus. Une phrase prémonitoire, annonciatrice du drame futur qui pulvérisera les deux hommes.
Gus et Abel ! Deux paysans viscéralement attachés à leur terre dans ce coin paumé des Cévennes, au lieu-dit appelé Les Doges. Une terre pourtant ingrate, à peine arable. Deux paysans de ces temps révolus que j'ai vaguement côtoyé quand, tout gosse, je passais mes vacances à la campagne chez ma grand-mère. Deux reliques du passé. Deux lignées qui bientôt s'éteindront pour venir grossir le ciel. Deux brutes. Deux taiseux.
Leurs fermes sont mitoyennes : ils ont choisi de s'entraider, de mélanger leur solitude. Ils enfilent leurs journées les unes à la suite des autres, « comme des perles à un collier, la précédente ressemblant à la suivante. » de temps à autre, ils boivent ensemble un bon coup de rouge, aussi âpre, rustique et rugueux qu'eux, mais qui malgré tout parvient à délicieusement engourdir.
La vie a toujours été ingrate avec Gus. C'est « Un poisson qui nage à contre-courant depuis sa naissance ». Ses parents, allez savoir pourquoi, le haïssaient ! Quand il était môme, Gus faisait partie des faibles. Les autres en profitaient pour lui enfoncer la tête. Nabochodinosaure était son surnom. Il n'y avait guère que sa Mémé qui avait de l'affection pour lui. Mais quand elle est partie…
Gus n'a pour lui que ces quelques arpents de terre auxquels il tient comme à la prunelle de ses yeux. Sa vie, il la passe avec Mars, son chien, son fidèle compagnon. Et puis, il y a le vieil Abel ! Mais peut-on se faire un ami de cet homme tout environné d'ombres et de mystères ?
Ce drame que sentait Gus flotter dans les airs eut lieu le jour de la mort de l'Abbé Pierre. C'était l'hiver et un froid rude venait de s'abattre sur les Doges. Face à cette tragédie, Gus et Abel eurent bien quelques velléités de révolte, mais la volonté des hommes ne pèse pas lourd devant leur destin en marche, et c'est bravement que tous deux se sont enfoncés dans la nuit.
Le silence lourd et angoissant des champs, la monotonie du quotidien, les gestes infiniment répétés, la télé qui grésille… Et les mauvais souvenirs qui surgissent au crépuscule sans prendre garde comme « des vols de corneilles sorties du brouillard ». Les femmes enfuies à jamais, mais qui demeurent omniprésentes dans la tête des reclus. le museau humide du chien qui se pose avec affection sur la cuisse de son maître, et le palais de l'homme qui claque après avoir avalé un bon coup de rouge…
Un livre inspiré, d'une noirceur sidérale qui parle avec tendresse de Gus et d'Abel, deux hommes rudes, tordus par la terre… Deux survivants du passé qui vont rejoindre ces fantômes qui rôdaient tout autour d'eux.


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