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Critique de berni_29


Il est des existences qui ressemblent à des romans, des vies traversées d'un souffle romanesque. Le destin de Mungo Park, explorateur écossais en est un magnifique exemple.
En écrivant ce premier roman, Water Music, T.C. Boyle pourrait présenter une certaine facilité à se pencher sur la vie de ce jeune explorateur écossais dont il entreprend de retracer quelques épisodes magnifiques dans sa mission à la recherche de la source du fleuve Niger. Se pencher, observer, recueillir, poser les faits sur des pages d'écriture, et hop ! Voilà l'affaire conclue !
À quel moment, la biographie s'éloigne-t-elle vers la fiction comme une barque glissant justement sur un fleuve, au hasard appelons-le Niger ? Et de cette barque qui dérive, l'auteur sur la rive tente de continuer à en décrire les contours, la forme, les occupants, il court sur la berge, l'observation devient moins fine, il la devine peut-être à travers la brume qui remonte de l'eau du fleuve, entend les chants sur l'autre rive, bientôt il ne voit plus la barque, alors il lui faut imaginer ce qu'elle est advenue, le chemin qu'elle a peut-être parcouru, plus loin...
Nous sommes à la fin du XVIIIème siècle. L'Europe bouge. L'Afrique est inexplorée. Une nouvelle période s'ouvre, la volonté de conquérir le monde, dans ses contrées les plus éloignées et mystérieuses. Elle se fait par les terres, par les océans, mais aussi en remontant aux sources les plus cachées des grands fleuves. C'est ce leitmotiv qui nourrit le rêve et le destin de Mungo Park, conquérir le fleuve Niger.
Rien n'était gagné justement dans le destin initial de Mungo Park, c'est ce qui rend géniale l'aventure qui est retranscrite dans ce récit.
Mungo Park est au départ un être insignifiant, noyé parmi d'autres hommes, noyés dans une famille où tout semblait prévu pour qu'il s'efface devant les ambitions.
Dans ce roman grandiose, pas loin de 800 pages, j'ai été emporté par le souffle épique, un côté picaresque dans la narration, une manière de nous entraîner dans le sillage de chacun des personnages, chaque lieu que visite le récit nous offre l'occasion de plonger dans son odeur, son bruit, sa misère, sa révolte, son étonnement, ses atrocités, son espérance.
Ici déjà, et c'est selon moi la première pierre posée au talent de T.C. Boyle, montrer comment Mungo Park, issu d'une famille plutôt de très bonnes conditions, où chaque membre grenouille d'ambitions, va chercher à s'extirper de ce marigot.
La deuxième pierre contribuant à ce talent sera de permettre la rencontre de Mungo Park avec un certain Ned Rise, issu des bas-fonds sordides londoniens, autant dire le mariage du lièvre et de la carpe.
Cette relation improbable sera un des fils conducteurs de la narration, apportant toute la verve et les différents rebondissements. Autant dire qu'ici T.C. Boyle est venu se mêler de ce qui ne le regardait pas en venant côtoyer les deux aventuriers au plus près d'eux-mêmes, posant son regard acéré et éperdu, contredisant par ce geste inspiré que les écrivains ne servent à rien.
Enfin, je dirai, la richesse des détails, effectivement 800 pages pour remonter un fleuve, ne serait-ce que le Niger, c'est un peu long, on pourrait se poser des questions avant d'aborder le roman, même si je vous dis que Mungo Park s'y est repris à deux fois.
Mais voilà, l'exploration est presque un prétexte. Sur tous les fleuves, il y a des rives et des berges où accoster est parfois plus dangereux que le tumulte des flots. Tout comme chaque page qui tient par ses marges. Ici la richesse tient aussi à ce qui tient la page : la marge, la rive, la berge et la vie qui grouille aux abords, la vie belle et cruelle...
J'ai aimé ce livre envoûtant ou chaque page oscille d'une rive à l'autre, me laissant dériver comme sur une barque du Niger, plus sereinement sans doute que les personnages de ce récit grandiose.
Pour moi ce roman est un chef d'oeuvre.
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