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Critique de JIEMDE


Un caillou, un simple caillou.

Voilà ce qui relie, sans qu'ils le sachent, Bobby à Jack. Ce caillou, jeté en rigolant par Bobby depuis un pont sur la voiture d'Amélia, la fille de Jack, l'a tuée. Depuis, l'un comme l'autre filent leur vie en zombies : Bobby zone sur des coups foireux avec le remords à ses basques ; Jack vivote dans le souvenir et le chagrin.

Le destin va finalement les réunir, quelques années plus tard, via l'atelier d'écriture de Lily auquel s'inscrit Jack, qui par le jeu des familles recomposées n'est autre que l'ex-belle-soeur de Bobby. Qui n'a rien perdu de sa capacité à s'attirer des ennuis…

Autant le dire d'emblée, Éteindre la lune de William Boyle – traduit par Simon Baril – est une réussite. Fan de la première heure, j'y ai retrouvé le Boyle de Gravesend et de Tout est brisé, celui qui réussit à mener sans se perdre, intrigue noire, étude de caractères et approche sociale poussée. Et tout cela ne tient qu'à une seule chose : William Boyle est un auteur incroyablement empathique.

Un auteur qui aime les gens, ce qui se ressent dans le travail de chacun de ses personnages, avec un regard bienveillant et humain posé sur les plus paumés et les plus faibles. La galerie proposée dans Éteindre la lune tient De Balzac ou de Dickens, que l'on aurait transposés à Brooklyn.

« …le Long Eddy's. Certes, à première vue, ce bar n'a rien d'impressionnant, mais chaque soir il lui est donné de voir la gamme complète des émotions humaines. Allégresse, amour, euphorie, haine, colère, désespoir. Tout ça en l'espace de quelques heures, parfois sur un seul et un même visage. Oui, un rade merveilleux. À moitié édénique, à moitié apocalyptique ».

La sensibilité avec laquelle Boyle dépeint Jack renaissant progressivement à la vie grâce à Lily, temporairement hébergée et comblant le vide d'Amelia, fait naître une émotion rare et durable au fil des pages.

Mais Boyle est aussi un auteur qui aime sa ville natale, devenu au fil de ses livres, le chantre de Brooklyn, personnage principal de ses livres et scène vivante de théâtre à ciel ouvert, révélateur des âmes et des êtres dans ce qu'ils ont de pire et de meilleur.

« Sous le métro aérien, de jeunes Ritals pilotent de grosses bagnoles, vitres baissées, techno tonitruante. Sur les trottoirs bondés, les gens filent chez eux, à la salle de gym ou au restau. Après une longue journée de travail, des voyageurs descendent l'escalier du métro aérien. Tout ça paraît si simple, si fluide. Une soirée où rien de mal ne peut arriver : le temps est trop agréable, pour une fois une impression de bonheur émane du quartier ».

Dans Éteindre la lune, Boyle continue de décliner ses thèmes favoris : le destin, la famille, le pardon, la rédemption. Et l'amour aussi. Son style est profond et s'envole souvent vers le sublime, notamment à l'occasion de la magnifique errance nocturne de Francesca et Bobby dans Manhattan.

Et si Thomas Wolfe a écrit que « Seuls les morts connaissent Brooklyn », il s'est trompé puisque William Boyle est bien vivant et en très grande forme ! Éteindre la lune est un grand livre, à la fois noir et lumineux. Ne passez pas à côté.
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