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Critique de Tachan


Je poursuis ma découverte + relecture, selon les tomes, du vaste cycle d'Avalon de Marion Zimmer Bradley. Après la Chute d'Atlantis et Les ancêtres d'Avalon qui prenaient place auprès de la mythique Atlantide et ses descendants, place ici à l'époque où les Romains envahissaient toute la future Europe de l'Ouest et la Méditerranée.

La dernière fois, c'était une héritière de Marion Zimmer Bradley qui était aux manettes après avoir repris les notes de son aînée. Cette fois, c'est l'autrice à l'origine de la saga qui a composé le texte et cela change tout. J'avais eu des moments où je m'étais ennuyée, j'avais trouvé ça long pour ce que cela avait à raconter, j'avais trouvé qu'on tournait en rond. Ce n'est plus le cas. L'autrice nous propose quelque chose d'inédit dans son cycle, tout en puisant dans les racines de celui-ci : une histoire de femme à l'heure où les changements de cultures entre peuples celtes et romains se font sentir.

Exit les Atlantes, place cette fois aux druides et à leurs soeurs vénérant la Déesse Mère d'un côté et aux Romains tentant de conquérir les terres britanniques de l'autre. L'autrice nous propose un tout nouveau cadre mais avec une sensibilité identique l'amenant à conter le destin tragique de femmes qui aiment mais tombent sur de sacrés obstacles.

Commençons par ce qui fâche. Dans ce texte, l'autrice nous propose un concentré de romances tragiques comme on en écrivait à l'époque mais qui n'ont pas super bien vieilli. Au début, on peut se sentir touché par le destin d'Elane qui tombe amoureuse et réciproquement d'un Romain, qui est en fait à moitié "barbare" comme elle, mais dont les pères refusent l'union. Mais au fil des pages, des chapitres, l'autrice tombe à la fois dans le mièvre avec une héroïne qui ne devient jamais plus mature sentimentalement parlant et dans la caricature du drame avec les mauvais choix de vie que fait Gavain/Gaius, qui le conduisent à devenir détestable. Ce n'est donc pas une romance qui emporte et brise en coeur malgré les intentions de l'autrice à ce sujet... Et il en va de même pour sa jeune parente Dieda et son demi-frère Kierig. A l'heure actuelle, cela semble très daté et mal écrit.

Heureusement, il y a autre chose à se mettre sous la dent et cet autre chose, c'est toute la dimension culturelle et celle féministe de l'histoire qui sont passionnantes. J'ai beaucoup aimé suivre à travers le regard de ces jeunes femmes, destinées au culte de la Déesse Mère, l'évolution du rapport entre les hommes et les femmes dans cette antiquité tardive, mais également celui entre les Brittons et les Romains. L'autrice démontre avec brio la façon dont peu à peu des événements conduisent à éclipser les femmes dans le rôle d'autorité qu'elles pouvaient avoir, pour passer sous la coupe des hommes sous un fallacieux prétexte de "protection" à cause des exactions de ces derniers et comment elles intègrent insidieusement cela alors que ce n'était pas nécessaire. Elle couple cela, avec l'arrivée progressive du christianisme, pas appelé encore ainsi, mais qui va également biaiser et modifier le regard porté sur les femmes et leur place dans la famille, le couple, la société, alors qu'avant elles n'étaient pas autant reléguées derrière les hommes qu'après son arrivée et son développement. C'est passionnant.

L'autrice, en plus, parvient très bien à intégrer ces évolutions dans une histoire riche et pertinente qui montre l'évolution d'un peuple en train de se faire conquérir, qui lutte, qui résiste vaille que vaille, mais qui subit les attaques à la fois guerrière et le soft power du pays belligérant. Marion Zimmer Bradley montre très bien la volonté des Romains de pénétrer dans les foyers et les coeurs des peuples conquis pour asseoir leur supériorité mais toutefois en ne se mêlant pas totalement, car il y a toujours cette vision de l'autre en tant que "barbare", donc en tant qu'être inférieur, donc à dominer et non à respecter comme un égal. Heureusement, elle démontre qu'il existe aussi des figures d'hommes, oui surtout d'homme malheureusement V.V, malgré son héroïne, qui ont d'autres ambitions et comprennent qu'on est tous pareils et que c'est en nouant des relations équilibrées que cela se passera mieux. le pacifisme de son héroïne face aux menées plus violentes et guerrières de sa famille est une bouffée d'air frais !

Enfin, il y a une dernière dimension qui m'a beaucoup plu ici, c'est tout ce qui tourne autour des croyances. J'ai l'impression que l'autrice s'était bien documentée à l'époque car elle offre un tableau assez juste avec ce dont je me rappelle des connaissances de la fin des années 90. Elle rend cela totalement immersif en plus avec sa plume très imagée et presque poétique parfois, faisant revivre ces lieux de culte et cette manière de croire et avoir la foi tellement différente des nôtres actuelles. Elle magnifie la nature, le lien avec elle, les relations avec "la déesse", tout en rendant aussi sa matérialité à ce culte en évoquant le choix des apprenties, la désignation des "chefs" de culte et les luttes de pouvoirs entre hommes et femmes en leur sein même. J'avais l'impression d'y être.

Voici peut-être donc le tome que j'ai préféré à ce jour dans ma relecture du cycle d'Avalon de Marion Zimmer Bradley tant j'ai trouvé le tableau riche, dépaysant et immersif. Sans ces maladresses d'écriture avec des romances totalement caricaturales et mêmes malaisantes parfois dans ce qu'elles véhiculent, nous aurions eu un tableau fort et sensible sur l'évolution des rapports hommes - femmes, au milieu de l'évolution des cultes païens vers les cultes christiques qu'on connaît et l'évolution des peuplades celtes vers des peuples romanisés. Une lecture passionnante pour ces points !
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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