AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ecceom


Mérite mille bravos

Je n'ai jamais été fan de Spirou que je connais mal par ailleurs, m'étant contenté de quelques albums qui m'avaient laissé indifférent et de la version alternative avec « le Groom vert-de-gris » de Yoann, qui parlait déjà de l'occupation de la Belgique.
Quel choc alors, de découvrir la série d'Émile BRAVO !

Cela fait bien longtemps que je n'ai pas ressenti un tel plaisir devant une histoire aussi bien construite, mêlant la réalité historique et la fiction, donnant corps à toute une galerie de personnages à la personnalité riche et complexe.

La série « L'Espoir malgré tout », comporte 4 parties : un mauvais départ, Un peu plus loin vers l'horreur, Un départ vers la fin, Une fin et un nouveau départ.
Les 4 parties ne sont pas forcément équilibrées en termes de pagination avec respectivement 88, 90, 114 et 36 pages (+ un épilogue de 10 pages), mais l'ensemble est du pur bonheur.
Dans « Un mauvais départ », on est au début de la guerre en janvier 40. Enfin, de la « drôle de guerre ». Spirou est groom au Moustique Hôtel, désormais vide de clients et Fantasio est enrôlé dans l'armée belge. Comme chantait Brel : « il attendait la guerre ». Celle-ci va arriver un matin de mai, avec les avions allemands qui déversent un premier tapis de bombes. C'est le début de l'exode des habitants et en quelques jours, la Belgique est occupée. Spirou découvre la faim, la peur, l'antisémitisme, la collaboration…tandis que Fantasio lui, ne semble toujours pas prendre la mesure de l'évènement.

Dans « Un peu plus loin », l'occupant renforce son emprise tandis que débutent les rafles avec ces trains qui dans la nuit, amènent des juifs qui veulent encore croire qu'Auschwitz n'est guère plus qu'un camp de travail. Spirou et Fantasio entrent à leur manière, en résistance, proposant aux enfants un spectacle ambulant de marionnettes et se chargeant du ravitaillement de leurs amis.

« Un départ vers la fin » est un peu plus noir. L'innocence de Spirou est mise à mal tandis qu'avec Fantasio, ils s‘engagent encore plus. Mais l'apparition des avions alliés est un signe d'espoir.

« Une fin et un nouveau départ ». Bruxelles est libérée. Les résistants de la 25ème heure sont de sortie, tandis que les premiers prisonniers sortis des camps arrivent, la peau sur les os. D'autres ne reviennent pas de leur voyage vers l'Est. C'est Fantasio qui paradoxalement, livrera le mot de la fin : « Puisque nous sommes des bêtes, nous survivrons ! »

L'équilibre entre drame historique et fantaisie est remarquable. Spirou reste un enfant, avec sa naïveté et son enthousiasme généreux. On pourra d'ailleurs remarquer que sur les couvertures des 3 premiers albums de la série, on adopte quasiment la vision d'un enfant, en ne voyant des soldats allemands, pratiquement que les jambes, tandis que sur celle du 4ème, si on voit un soldat en entier, c'est parce que ce dernier est également un enfant envoyé au front.
Spirou n'est jamais moraliste, jamais dupe non plus. Fantasio lui, reste imprévisible et drôle, tout en remplissant à sa façon, un rôle essentiel.

L'histoire met en valeur les héros du quotidien (une concierge, un paysan…), les salauds ordinaires (le curé farouchement anti-communiste et antisémite, le policier collaborateur, le milicien…), les petits actes héroïques et les lâchetés banales, les deux présents dans toutes les catégories sociales et à tout âge.

Émile Bravo a injecté délicatement dans cette série qu'il rend accessible à tous, des détails d'une grande richesse historique qui renforcent l'authenticité et la portée du récit. Ce souci culmine avec la référence à un couple d'artistes juifs Felix et Felka. Les époux Nussbaum ont réellement existé et Bravo en rappelant leurs oeuvres toujours plus sombres au fur et à mesure des épreuves, nous propose une autre vision de la montée de l'horreur.

Le dessin est lui aussi remarquable, précis et particulièrement lisible. Une belle ligne claire !
Si on y ajoute une très belle mise en couleurs de Fanny Benoit, la réussite est complète.

Certains ont évoqué le Maus d'Art Spiegelman qui semble pourtant une référence indépassable. Je trouve que cette comparaison a du sens, même si Maus a bien sûr, un aspect plus universel, tandis que L'espoir...s'insère dans une aventure de la BD, déjà codifiée.

Quoi qu'il en soit, et de manière tout à fait inattendue pour ce qui me concerne, "Cet espoir malgré tout", est probablement une oeuvre majeure de la BD.

A compléter utilement par "Le journal d'un ingénu" qui évoque les débuts du tandem Spirou et Fantasio et par le très intéressant "Spirou dans la tourmente de la Shoah" édité dans le cadre de l'exposition éponyme.
Commenter  J’apprécie          153



Ont apprécié cette critique (15)voir plus




{* *}