Son vieux commandant lui avait dit une fois que l'on gagnait plus de batailles en s'armant de savoir plutôt qu'en s'armant d'une épée.
- Pourquoi souris-tu? lui demanda Tiër après avoir achevé son récit. Ce pauvre gardien de chèvres fut contraint de vivre avec la fille d'un homme riche pour le restant de ses jours. Peux-tu imaginer un sort plus terrible?
- Oui: voyager avec un homme qui parle tout le temps, répondit-elle, s'essayant à son tour de le taquiner.
Apprends à connaître ton ennemi. Apprends à connaître ses plans, et tu connaîtras le lieu de son prochain assaut. Apprends à connaître ses points forts et esquive-les. Découvre ses faiblesses et profite-en pour imposer ta force. On gagne plus de batailles armé de savoir que d'épées...
S'il pleut à l'extérieur et que tu rentres à l'intérieur, tu ne sentiras pas la pluie : mais une fois dehors, tu t'apercevras que tu es trempé. Si tu grelottes de froid et que tu viens te réfugier à l'intérieur, tu te sentiras bien au chaud et en sécurité, mais tu y mourras de froid quand même.
La fatigue de la veille se lisait sur ses traits. Elle avait les joues creuses, comme celles d'une femme sous-alimentée, des cernes entouraient ses yeux et ses cheveux étaient décoiffés. Tiër la trouva magnifique.
— Nous retournerons à la bibliothèque pendant que vous dresserez le camp.
— Non, pas seules, objecta Jës.
[...]
— N'oublie surtout pas qui je suis, ni se que je suis, Jës (La voix de Séraphe était glaciale.) Il est d'autres armes que les épées.
Tiër s'éclaircit la voix :
— Nous aurons besoin de toi au camp, Jës. En fait, j'ai l'intention de t'envoyer chasser, avec Lehr. Et puis, je pense que si ta mère a pu tuer un troll, elle pourra très bien s'occuper d'une bibliothèque !
-Ma chérie, si tu t'installes confortablement, je pourrai poser la tête sur tes genoux, et rêver pendant un an et un jour.
-Regarde, murmura Lehr en aparté, voilà comment il faut s'y prendre avec les femmes, pour qu'elles soient aux petits soins pour toi. Tu devrais essayer Jës. Crois-tu qu'Hennëa te laisserait poser ta grosse caboche sur ses genoux ?
-Ferme-la, Lehr, dit Jës. Laisse papa dormir.
- Ce n'est plus très loin maintenant, mon gars, dit Tiër. C'est de la fumée qu'on voit là-bas devant nous, pas seulement du brouillard : tu vas voir, on va se trouver une jolie petite auberge dans ce village... On pourra s'y réchauffer.
Elle fut réveillée par un léger coup à la porte. Avec mille précautions, afin de ne pas le réveiller, elle s'extirpa du lit de Tiër.