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Critique de klakmuf


Il y a des noms de personnages qui marquent l'imagination du lecteur : Cupido Cancrelas (Cupido Cockroach en anglais et Kupido Kakkerlak en néerlandais) est celui de notre « Insecte missionnaire ». Vous avouerez, quel nom, tout de même ! Et ce personnage a réellement existé, ce qui illustre une fois de plus que la réalité dépasse presque toujours la fiction…

Ecrivain d'Afrique du Sud, né en 1935 et mort en 2015, André Brink revisite dans ce roman l'histoire de son pays, au temps de la colonisation de la province du Cap par les Hollandais au 18e siècle, avant qu'ils ne passent sous tutelle anglaise fin 18e – début 19e siècle. C'est en quelque sorte l'histoire par le petit bout de la lorgnette, à travers le destin d'un des premiers habitants de ce pays, les Khois, peuple semi nomade sans écriture (autrefois dénommés Hottentots) et aujourd'hui disparus.

On sait peu de choses sur ce Cupido Cancrelas, si ce n'est par l'entremise de quelques lettres écrites par les missionnaires anglais. André Brink cite ses sources, en fin de volume, ce qui est toujours appréciable. Partant de ces maigres éléments, il nous offre une histoire romancée où s'entremêlent le réel et le fabuleux, où le rocambolesque et l'abracadabrantesque habillent une certaine vérité historique, dont les contours nébuleux permettent aux écrivains quelques échappées sur le terrain poétique.

Sous plusieurs angles narratifs, selon les étapes de sa vie, le roman fait resurgir à la surface la vie d'un jeune Khoi à la naissance miraculeuse, qui reprend vie après avoir rendu l'âme et dont le chemin croisera à plusieurs reprises des mantes religieuses, qui sont des insectes mythiques signes de bon ou mauvaise augure selon les circonstances (d'où le titre original anglais « The Praying Mantis »). Né dans une ferme, il suivra un colporteur, épousera une femme San (c'est-à-dire du peuple Bushmen), apprendra à lire et écrire et deviendra missionnaire pour le compte de la Société Missionnaire de Londres (la célèbre London Missionary Society pour laquelle le Dr. David Livingstone a officié ). Mais il ne fera jamais complètement partie du monde des blancs, dont il lui manque les clés pour trouver pleinement sa place et il restera écartelé entre ses anciennes croyances et celles des nouveaux habitants blancs.

La curiosité pour ce destin hors norme et magico-pathétique, ainsi que l'intérêt pour cette Afrique du Sud balbutiante où l'avenir est ouvert mais déjà hypothéqué par les ferments du racisme m'ont porté au terme de cette lecture. Si ce livre est un cran au-dessus, selon moi, de « Tout au contraire », qui traitait aussi de l'histoire de la colonisation du Cap, il n'a pas la force des romans de Brink sur la période plus récente de l'Apartheid. On sent confusément que ce roman n'est pas devenu pleinement ce qu'il aurait dû être. Il y avait matière à un grand roman, mais l'auteur n'a pas trouvé l'inspiration suffisante et a dû s'atteler à son oeuvre par trois fois, en 1984, 1992 pour le terminer en 2004. Dommage…

En définitive, je me suis piqué à cette histoire de Cupido Cancrelas même si ce n'est pas un chef-d'oeuvre littéraire.

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