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Critique de Renatan


« Putain d'bordel de merde, tu veux savoir? Vous, vous persistez à croire que l'histoire se fait là où vous êtes et nulle part ailleurs. Pourquoi ne viens-tu pas un jour avec moi? Je te montrerai à quoi ressemble l'histoire. Celle qui pue la vie »

En juin 76, dans les rues de Soweto, Afrique du Sud, Jonathan et 20 000 autres enfants et étudiants noirs venaient de prendre part à la protestation - se voulant pacifique - des lycéens contre l'enseignement donné exclusivement en Afrikaans. Un fait historiquement connu sous le nom d'« émeute des jeunes de Soweto » et qui, dans une escalade de violence, fera au moins 23 morts. Moins d'un an plus tard, accusé du meurtre de deux passants, Jonathan sera condamné à mort par pendaison. de partout, les gens se seront rassemblés pour entendre le verdict. Résonance d'un coup de glas qui sera marqué dans tout le continent africain, tous les 16 juin, en souvenir du massacre.

Peu de temps après, Gordon Ngubene, son père, mourra en prison dans des circonstances douteuses. Interrogés de manière illégale, des témoins affirmeront l'avoir vu dans un état lamentable, incapable de marcher ou parler, le visage tuméfié, les côtes cassées, le blanc des yeux jaunâtre et strié de veinules rouges… Les faits seront niés et les vêtements brûlés. C'est donc à travers ce personnage que Ben du Toit, prof d'histoire afrikaner de Johannesburg, découvrira l'apartheid et les conditions de vie atroces des Noirs. Et il sera prêt à tout pour venger la mort de Gordon. Mais à quel prix?

Ce roman se veut une introspection sur la solitude. Jusqu'où peut-on aller dans son implication envers l'autre tout en préservant son intimité? Quand tout partira en éclats, il sera trop tard. Quand les enfants feront l'objet de menaces et que le téléphone sera mis sur écoute, alors il ne sera plus temps de revenir en arrière. L'angoisse nous tenaillera déjà les tripes, nous serons rejetés et victimes d'un vide que nous aurons nous-mêmes créé. Ce sera le prix à payer pour s'être accroché à la vie d'un autre afin d'exorciser la sienne…

« Je voulais aider. J'étais tout à fait sincère. Mais je voulais le faire à ma façon. Et je suis blanc ; ils sont noirs. Je croyais qu'il était encore possible de transcender notre « blancheur » et notre « noirceur ». Je croyais que tendre la main et toucher l'autre par-dessus l'abîme suffirait. Mais j'ai saisi si peu de chose, comme si les bonnes intentions pouvaient tout résoudre. C'était présomptueux de ma part. Dans un monde ordinaire, dans un monde naturel, j'aurais pu réussir. Pas dans cette époque dérangée et divisée. Je peux faire tout ce que je peux pour Gordon ou pour ceux qui sont venus me voir. Je peux me mettre à leur place; je peux éprouver leurs souffrances. Mais je ne peux pas vivre leur vie à leur place. Que pouvait-il sortir de tout ça, sinon l'échec? »

Si le roman est avant tout inspiré d'un fait historique, Brink a aussi voulu démontrer les clivages sociaux et raciaux de l'apartheid dans son pays. Il a mis en relief le puritanisme des Boers, en plus d'exposer la situation d'un gouvernement dont l'expression de l'emprise vise à camoufler les délits. Il ne manque pas de rappeler les conditions de détention atroces des prisonniers, nus au fond de leur cellule, bastonnés et fouettés, une brique attachée à leurs organes génitaux jusqu'à perdre conscience. On ne s'étonnera pas que son oeuvre fut interdite de publication durant des années. Mais il était prêt à en payer le prix, alors pourquoi s'en priver?

« Chaque geste que je fais, chaque acte que je commets dans mes efforts pour les aider leur rendent plus difficile la tâche de définir leurs besoins réels, de découvrir par eux-mêmes leur intégrité, d'affirmer leur dignité »

« Mais il y a des époques, comme la nôtre, où l'histoire n'est pas encore installée dans un nouveau courant, ferme. Chacun est seul. Chacun doit trouver ses propres définitions. La liberté de chacun menace celle des autres. Quel est le résultat? le terrorisme. Et je ne me réfère pas seulement aux actions du terrorisme patenté, mais aussi à celles d'un État organisé dont les institutions mettent en danger notre humanité essentielle »

Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
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