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Critique de BazaR


Voilà une pièce que j'ai trouvée sensationnelle pour le moment d'Histoire décrit, la profondeur des personnages et l'enrobage d'humour.

Marie du Deffand est une des salonnières les plus prisées de Paris ; les esprits les plus brillants des Lumières se font une obligation d'y apparaître. Leur réputation, leur avenir peuvent en dépendre. Mais sa vue baisse et elle finit par avoir besoin d'une lectrice. Elle engage pour cela la fille illégitime de son frère, Julie de Lespinasse, qu'elle a exfiltrée d'une campagne morose.
Leur relation est extrêmement cordiale au début. Julie aide efficacement Marie et découvre ce faisant le monde des salons qui la fascine. Mais les choses se gâtent quand, ayant fait ses armes, sa propre réputation se développant, Julie souhaite voler de ses propres ailes alors que Marie, jalouse de ce succès, n'a de cesse de maintenir l'oiseau dans la cage dorée qu'elle lui a concoctée.

C'est qu'un désaccord profond entre les deux femmes va se faire jour. Marie du Deffand aime la conversation, son flot, ses orages, ses récifs ; elle s'intéresse à la forme, mais certainement pas au fond, aux idées portées par les mots. Pour Julie c'est tout le contraire. Les concepts développés par les Lumières, la publication de l'Encyclopédie, la conception renouvelée de la Justice telle qu'elle apparaît dans l'affaire Calas, emportent son adhésion totale. Elle veut participer, aider, s'enflammer pour ces idées qui constituent les germes des conceptions de liberté et d'égalité à venir.

Les relations s'enveniment. Marie n'a de cesse de culpabiliser Julie, insistant sur son ingratitude. Julie aime beaucoup Marie, sait ce qu'elle lui doit, mais comprend aussi que son ainée ne la considèrera jamais que comme une bâtarde. Elle décide alors de créer de fait son propre salon dans sa chambre du premier, que les esprits des Lumières finissent par préférer au rez-de-chaussée. Marie ne supporte pas cela longtemps. C'est la rupture.

La pièce évoque de nombreux faits historiques du temps. Elle n'est jamais ennuyeuse grâce surtout aux balourdises du président Hénault (président de la Première Chambre des enquêtes du Parlement de Paris), bonhomme sans talent et conscient de l'être, mais finalement bien plus sympathique que la du Deffand dont les amusantes saillies cyniques du début finissent par sombrer dans l'amertume de la conscience de la mort proche, mort publique sinon physique, mais bien réelle. Cette amertume se manifeste dans une cruauté verbale de plus en plus violente envers ses amis. Elle fait le vide autour d'elle. La dépression est proche. Pathétique particulièrement bien rendu dans la pièce.

Une excellente découverte à de nombreux titres.
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