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Critique de keria31


Un excellent roman dans la veine romantique que j'aime particulièrement pour son charme envoûtant qui paraît étrangement si lointain avec le ton des oeuvres d'aujourd'hui.
On retrouve la finesse dans l'analyse psychologique et le caractère tourmenté des personnages de ce genre. Anne Brontë n'a rien à envier à ses soeurs à qui elle ressemble fortement également par le choix de son inspiration : une nouvelle histoire d'amour qui replace le mystère au coeur des rapports entre personnages. Or il existe deux différences notables :

L'ambiance est moins marquée dans ce roman que dans celui des "Hauts-de Hurlevent" ou "Jane Eyre" qui, sans être lu, a été vu en film. Même si toutes les trois nous replongent dans un paysage de lande dominé par la présence d'un manoir (ou château), Emily et Charlotte intégraient davantage le surnaturel en rappelant l'atmosphère des rêves ou l'évocation de fantôme à travers leur récit. C'est un peu dommage que leur soeur n'ait pas mieux exercé sa plume pour accentuer cet aspect là qui est pourtant un des traits majeurs de l'oeuvre romantique. Mais l'on ne peut nier qu' il y a décrites plusieurs scènes qui relèvent de cette esthétique comme celle où Helen se trouve au sommet d'un promontoire avec une mer agitée à ses pieds, ou encore le dialogue nocturne dans le manoir près d'un feu, l'accident à cheval dans la lande sous un ciel venteux. Surtout le mystère plane dans cette histoire autour du portrait de l'héroïne que l'on perçoit d'abord à travers le regard de Gilbert Markham. Helen, à peine installée à Wildfell Hall, suscite la curiosité et l'interrogation de ses voisins par sa position insolite : il s'agit d'une jeune femme qui vit seule avec son fils, ce qui en ce temps là était peu courant. Il faudra attendre la seconde partie pour que l'on nous dévoile son parcours à travers son journal intime car l'auteure ménage le suspense tout au long de la première.

C'est donc à partir de là qu'intervient l'aspect le plus important du roman : la peinture sur la condition de la femme. Helen est une jeune femme qui vit sous la coupe d'un mari mondain et volage. Un choix malheureux dont elle se rend compte assez vite sans savoir quelle décision prendre en dépit d'un ressenti marqué. On suit donc page après page les tourments de cette conscience qui décrit aussi avec précision les souvenirs de sa vie de couple. Pour Anne Brontë, il s'agit de dénoncer par son entremise les ravages de l'alcool chez l'homme que doit subir son épouse, la blessure de l'adultère dont elle est victime ainsi que les disputes, les rancoeurs qui peuvent naître de cette situation entre deux personnes au mode de vie et aux goûts opposés. Face à cet échec conjugal, Helen toutefois trouve la force de fuir, un exil en retrait d'où s'ensuivra sa rencontre avec Gilbert Graham avec qui elle partagera une tout autre expérience. Anne Brontë met ainsi en perspective par ce dualisme la distinction entre le faux et le vrai amour. Il s'agit aussi de rappeler la pratique du commérage qui entretenait la vie des villageois, en proie si facilement à l'ennui dans les campagnes et qui ciblait plus les femmes que les hommes. Or, même si l'auteure mène la vie dure aux rumeurs en brisant les mensonges, j'ai trouvé qu'elle ne rapportait pas des propos si médisants que cela, juste quelques bruits qui courent sur une éventuelle liaison (on est loin des accusations de sorcellerie quand même). Il faut dire qu'Helen fait figure de marginale en ce XIX siècle, étant une femme indépendante qui a fait le choix de se séparer de son époux avant même que la société n'ait légiféré en ce sens.

C'est pourquoi, je vous conseille la lecture de "La recluse de Wildfell Hall". Peut-être est-ce d'ailleurs à cause de ce portrait douloureux d'une épouse maltraitée qu'Anne a aussi été reléguée au second plan ? de toute évidence, elle portait un regard plus critique qui a dû déranger la société anglaise du XIX siècle dont la vie conjugale était la plupart du temps dominée par la seule autorité de l'époux. Un choix plus courageux que ses soeurs que, pour ma part, je salue car elle donne ainsi un peu voix au chapitre aux si nombreuses épouses bafouées qui n'avaient pu jusqu'à lors publiquement s'exprimer. de ce point de vue, on ne peut pas dire qu'Emily ait donné cette dimension éthique à son histoire alors que si Charlotte le développe aussi, il est encore plus manifeste dans ce roman qui est considéré comme le premier chef d'oeuvre féministe. Il faut dire enfin que sur cette question, les Anglais ont été plus sensibles que leurs homologues européens en donnant davantage de place aux femmes dans leur société avec la renommée de grandes reines qui ont gouverné dès le XVIè siècle et avec l'accès à la célébrité à un nombre plus diversifié d'artistes féminins : les soeurs Brontë, Jane Austeen, Virginia Woolf, Ann Radcliff, Agatha Christie, Joan Kate Rowling...
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