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Critique de AgatheDumaurier


Premier roman que Charlotte Brontë chercha à publier-et non premier texte d'une grande maîtresse de la littérature car, rappelons-le nous, les enfants Brontë ont noirci des milliers de pages avant de créer leurs grands chefs d'oeuvre, Le Professeur fut refusé par les éditeurs et ne fut publié qu'après la mort de son autrice. Comment expliquer ce rejet constant, même après l'éclatant succès de Jane Eyre, et alors que Charlotte aimait son roman mal aimé et ne le reniait en rien ? Je ne sais pas trop. le narrateur-William Crimsworth-est un jeune homme mi-aristocrate mi-bourgeois, déclassé et passablement insupportable à donner à tous des leçons de morale...Mais Charlotte n'use jamais d'aucun subterfuge narratif pour lui donner raison de l'extérieur, donc rien ne dit qu'elle l'approuve entièrement. Quand on a su que l'auteur de Jane Eyre était une femme, on lui a reproché de n'avoir pas su, dans ce premier texte, créer un homme crédible...Comme si les héroïnes d'auteurs mâles du XIXème siècle, ces purs anges de douceur (madame de Rénal, madame de Mortsauf, madame de Bidule et autres …) l'étaient plus...Bref, mystère.
Le roman n'est pas Jane Eyre. Point de romantisme échevelé, de gothique, de folles enfermées, de pasteur fanatique, d'homme sombre, fatal et ténébreux, de landes hantées...Mais les régions industrielles d'Angleterre et la sereine Belgique. Un "héros" en proie à des dilemmes pédagogiques très actuels (nihil novi sub sole) : comment éviter de se faire ratatiner par une classe, de garçons comme de filles (et on sent l'expérience chez Charlotte, qui donne de très bons conseils pour les débutants) des problèmes de famille et des problèmes d'argent. Des amours compliqués mais banals. Quoi de génial là-dedans ? Les interstices, les failles, les non-dits : d'où vient la dépression qui accable parfois William ? Pourquoi, à la fin, les personnages sont-ils si inquiets pour leur fils Victor ? Qui est Hudson Yorke Hudson, l'homme qui suit toujours de loin William et l'aide toujours, sans qu'il sache vraiment pourquoi ni ne s'y intéresse vraiment, au grand désespoir de la lectrice devant son aveuglement ? Pourquoi la si raisonnable et matérialiste mademoiselle Reuter tombe-t-elle si follement amoureuse du narrateur ? Celui-ci insiste sur sa grande myopie, qui lui rend difficile de saisir les visages et leurs expressions. Sa myopie est aussi intellectuelle, et les obscurités qu'il laisse dans sa vie nous travaille et nous obsèdent. Ses préjugés sur les Européens nous hérissent, d'autant que ses compatriotes l'ont fort mal traité...William est un homme dans le déni, qui ne voit pas les ténèbres...Peut-être est-ce là le sens du personnage météorite de Victor, son fils, environné d'ombre alors que le roman semble annoncer une happy end...Une vision de son propre père, le pasteur Brontë, n'ayant pas vu à temps les démons de son fils Branwell, trop sûr de lui et trop aveugle.
Quoiqu'elles écrivent, je suis fascinée par les Brontë, et par Le Professeur comme par tous les autres.
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