AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de oblo


Tous les jours, en se rendant à son travail de bureau abrutissant, Michel Morel passe devant une barre d'immeuble. Tout en béton, en lignes horizontales et verticales, en fenêtres innombrables, cette tour symbolise pour Michel l'angoisse des temps contemporains : un lieu inhumain par sa forme, par sa taille, par les envies de suicide qu'elle inspire. Michel, justement, n'a qu'une crainte : qu'un jour, une femme s'écrase à ses pieds. Ce n'est pas ce qui va précisément arriver.

A la suite d'un déjeuner au restaurant durant lequel il croise le regard, et surtout la haine, d'un nommé Domingues, homme d'affaire acculé dans un procès, Michel apprend le suicide de ce dernier par défenestration. C'est le coup d'envoi pour une histoire animée par la folie des hommes : celle de Michel, celle des hommes de guerre comme le fut Domingues. En effet, tout s'imbrique dans cette histoire. Michel, hanté par la mort de Domingues, a des visions durant lesquelles il voit le passé de mercenaire de Domingues dans les guerres du Mozambique et d'Angola. Guerres d'indépendance se mêlent au trafic de diamants, puis au trafic d'êtres humains, principalement de prostituées que Michel retrouve à Lyon.

La bande-dessinée d'Ivan Brun est non seulement bien écrite, littérairement parlant, mais, surtout, elle restitue une ambiance à part tout en abordant de nombreux thèmes ayant pour point commun la déshumanisation ou, si l'on préfère, l'absolue obscurité de l'homme. La BD brasse alors les conflits coloniaux et post-coloniaux, les trafics en tout genre, l'indifférence des sociétés occidentales par rapport aux problématiques des pays défavorisés, remettant en cause nos modes de vies basés sur la consommation à outrance. En prenant pour héros un homme banal comme Michel Morel, aux blessures profondes, à l'intellect aiguisé et à la vie pourtant plate, en lui donnant le visage de Monsieur Tout-le-Monde, Ivan Brun peut ainsi désigner n'importe lequel de nos contemporains.

La bande-dessinée dérange, bien entendu, puisqu'elle met en rapport, avec raison, des événements de géopolitique avec des pratiques quotidiennes. Loin de se faire moralisateur, le récit est surtout terriblement sombre et pessimiste : une histoire moche et fascinante.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}