Lettres de Treste

De Treste je n'ai bien connu que les trottoirs et leurs rigoles, les herbes folles au pied des murs et entre les pavés des cours, le seuil des portes et le spectacle par les soupiraux : ce qui se voit à la hauteur d'un jeune enfant que l'on promène ou qui s'assied par terre pour tripoter un caillou. L'autre Treste, celui des adultes et des étages, des enseignes et des réverbères, des façades aux longs balcons, des campaniles, des beffrois, je me le figure surtout par oui-dire, dans cette lumière plombée et étincelante à la fois qu'on voit aux choses reflétées dans les flaques entre deux giboulées.

Primo, nous vivons sous terre, enfouis dans une cave – oui ? Secundo, nous mangeons des grenots à chaque repas, de la sinople souvent et parfois du navet zelbe – c’est-à-dire, d’entre toutes les plantes comestibles, trois qui poussent sous la surface du sol. Tertio, nous buvons une eau souterraine, nous y cuisons nos grenots, nous nous en lavons, ainsi que tout ce qui nous entoure… Même la lumière, nous occultons celle du jour pour nous éclairer à l’aide d’une lampe à pétrole – ce qui veut dire, comme tu le sais, "huile de pierre"… La conclusion saute à l’esprit : tout ceci relève d’un plan concerté !