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Critique de BurjBabil


Ce livre est simplement enthousiasmant. Loin des ouvrages de vulgarisation souvent didactiques, sinon pontifiants, voire moralisateurs maintenant que nous sommes responsables de tous les maux géologiques qui s'abattent sur nous (enfin pas sur tous ...).
Ici, c'est un véritable roman, des anecdotes, des rebondissements, des saillies inattendues qui jalonnent l'histoire de l'humanité. Même un scientifique apprendra des choses sur les noms qu'il cite régulièrement dans ses lois ; « Newton n'appliquait que pour une faible part ses brillants talents à la science véritable. Il consacra la moitié de sa vie à des travaux d'alchimie et à une quête religieuse forcenée. Il était secrètement membre de la secte hérétique des arianistes, qui réfutait le dogme de la Sainte-Trinité – ce qui ne manquait pas de sel pour un membre du Trinity College de Cambridge. »
C'est une moquerie sans en être une, c'est juste le talent de l'auteur à remettre à sa juste place chacun des noms que l'on a tendance à révérer béatement alors que ce n'étaient que des hommes, avec leurs faiblesses, leurs tares mêmes.
Quel humour ! : « Pilâtre de Rozier testa l'inflammabilité de l'hydrogène en en avalant une gorgée et en la recrachant sur une flamme, démontrant du même coup que l'hydrogène est bien explosivement combustible et que les cils ne sont pas nécessairement un trait permanent sur un visage humain ».
On y retrouve cette idée que le génie qui découvre quelque chose de novateur dans son coin est une construction a posteriori, comme la plupart des grands mythes historiques d'ailleurs.
« C'est bien parce que les idées de Mendel n'avaient jamais totalement disparu de l'horizon scientifique qu'elles furent si promptes à reprendre vie quand le monde fut prêt à les recevoir»
Les derniers chapitres consacrés à l'évolution et au climat sont justes incroyables d'intérêt.
« L'ADN ne faisait strictement rien. Il était simplement posé dans le noyau, liant peut-être les chromosomes ou ajoutant une pointe d'acidité sur commande, ou remplissant une autre tâche triviale à laquelle on n'avait pas encore pensé. La nécessaire complexité, pensait-on, devait se trouver dans des protéines du noyau. Toutefois, écarter l'ADN posait deux problèmes. D'abord, il y en avait trop : 2 mètres dans quasiment chaque noyau, ce qui semble indiquer que les cellules le tiennent en grande estime ».
On y touche l'essentiel de l'esprit scientifique, à l'opposé du scientisme : le doute et le questionnement.
« L'idée que vous puissiez en retirer un de votre corps et l'embarquer pour l'étudier ailleurs était aussi absurde pour bien des pairs de Morgan que l'est de nos jours l'idée de capturer une pensée et de la placer sous un microscope. »
Et une mise en perspective de notre prétention à porter des valeurs morales « universelles ».
« Dans les années 1950, les chercheuses de King's College étaient traitées avec un dédain qui trouble la sensibilité moderne – et d'ailleurs toutes les sensibilités. Quel que fût leur degré d'ancienneté, elles n'étaient pas autorisées à pénétrer dans la salle des professeurs, mais devaient prendre leurs repas dans une pièce que Watson qualifiait lui-même de « turne défraîchie ».
Enfin, de grandes idées, sujettes à débat et à réflexion sont là, simplement exposées :
« Cela commence à devenir un peu énervant, mais il semble bien que le but de la vie soit de perpétuer l'ADN. Les 97 % de votre « ADN-poubelle » sont constitués de groupes de lettres qui, selon les termes de Ridley, « existent pour la pure et simple raison qu'ils sont bons à se dupliquer ». En d'autres termes, l'essentiel de votre ADN n'est dévoué qu'à lui-même : vous êtes une machine pour le reproduire, et non l'inverse. La vie, nous le savons, veut simplement être, et l'ADN est ce qui la pousse à le vouloir. »
Par contre, avec ce genre de phrases, on se demande s'il serait édité aujourd'hui :
« Grâce aux carottes de glace du Groenland, nous disposons d'un relevé détaillé du climat sur plus de 100 000 ans, et ce que l'on y trouve n'est pas réconfortant. Il montre que sur l'essentiel de son histoire récente, la Terre n'a pas été cet endroit stable et tranquille où a pu se développer la civilisation, mais qu'elle n'a cessé d'osciller brutalement entre des périodes de chaleur et de froid intenses. »
Mieux, il permet une vraie réflexion loin du prêchi-prêcha mâchouillé par nos embrouilleurs actuels :
« le réchauffement global de la planète pourrait donc paradoxalement entraîner un fort refroidissement local de l'Amérique et de l'Europe du Nord. le climat est le produit de tant de variables – les variations des niveaux de dioxyde de carbone, la dérive des continents, l'activité solaire, les oscillations des cycles de Milankovitch – qu'il est aussi difficile de comprendre les événements passés que de prédire les événements futurs. Cela nous dépasse, tout simplement »
Il finit bien sûr sur une note triste sur le rôle de l'humanité dans la diminution drastique des espèces vivantes à la surface de la terre, pas parce que nous prenons des bains, copulons et roulons en automobile pour nous rendre à la plage, mais parce que nous n'avons d'humanité que le nom et passons la plupart de notre temps à tuer, exterminer, éradiquer tout ce qui nous gêne, animal, végétal ou même congénères.
« Rothschild n'était pas le seul à vouloir capturer des oiseaux à n'importe quel prix, et d'autres se montrèrent bien plus cruels que lui. En 1907, quand un célèbre collectionneur du nom d'Alanson Bryan apprit qu'il avait tué les trois derniers spécimens de drépanide noir, une espèce d'oiseau des forêts découverte à peine dix ans auparavant, il nota que la nouvelle « l'emplissait de joie »
Pour finir par cette phrase philosophique :
« C'est une pensée troublante de se dire que nous pouvons être l'achèvement suprême du monde vivant et son pire cauchemar à la fois »
A lire absolument.
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