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Critique de Tiephaine


Un ouvage qui aurait influencé les occultistes allemands du début du 20e siècle et inspiré certains milieux antisémites précurseurs des nazis? Ah bon...

Précisons d'abord que mon édition n'est pas celle de Camion Noir, mais celle de Néo, parue en 1987. Mes critiques quant au texte lui-même et à sa traduction seront donc peut être indues vis-à-vis l'édition préparée par Camion Noir.

Dans la droite lignée des utopies politiques rencontrées lors d'un voyage fantastico-réaliste tel que ceux de Gulliver, Bulwer Lytton s'est employé à imaginer une société vue comme idéale, avec des êtres imaginaires. Dans les années 1860, au cours desquelles a été rédigé ce livre, l'ensemble de la planète a été découvert, et les cartes du monde sont relativement bien dessinées. S'il reste évidemment des contrées inexplorées (les pôles, le coeur des grands continents...), il n'y a plus vraiment de place pour les civilisations inconnues. du moins, ailleurs que dans des mondes souterrains...
Si improbable scientifique qu'elle soit, la théorie des "espaces creux" (et non de la Terre Creuse, comme on le lit si souvent) est défendue par Bulwer Lytton pour rendre son récit réaliste. On se laisse relativement convaincre, pour le bien de la lecture à suivre.

Le texte lui-même est empli des lourdeurs d'une langue vielle de plus d'un siècle, et peu aidée par une traduction plutôt fidèle, et peut être un peu trop. Celle-ci ne gomme pas les imperfections du texte originel, et cela donne un texte assez rébarbatif, particulièrement dans les longues descriptions ethnico-philosophiques qui couvrent facilement la moitié de l'ouvrage à elles seules.
Bulwer Lytton n'est pas un romancier d'action, ni de suspens, et son ouvrage est bien loin de ce que l'on peut s'attendre selon les standards d'aujourd'hui. On perçoit le potentiel horrifique de son histoire, sans jamais avoir le moindre frisson: cet ouvrage se borne à une étude ethnographique, descriptive de la "race" des Vril-Ya, ou "peuples du Vril".

Alors ces Vril-Ya ont-ils pu inspirer même vaguement les nationaux-socialistes ésotéristes tel que Willigut, Rosenberg et bien d'autres?
Franchement, je ne vois pas comment.
D'une part, ces Vril-Ya n'ont rien à voir avec les Aryens, et sont décrits comme ayant la peau cuivrée et un physique proche de celui des amérindiens. D'autre part, leur histoire ne comporte aucun élément germanisant, ni même quoi que ce soit de nationaliste. Et surtout, il s'agit d'une société essentiellement dominée par les femmes.
Quant à ce fameux Vril, qui occupe une place si importante dans l'intrigue, il s'agit simplement d'une sorte de "fluide" électrique, comparable à la Force des Jedi (ou plutôt des Sith, façon Empereur Palpatine). Il s'agit d'une aptitude des Vril-Ya à maîtriser et canaliser les flux d'énergie vitale, à des fins diverses et variées. Rappelons qu'en 1870, date de sortie du roman, l'électricité est encore largement méconnue, et ne sert guère qu'aux télégraphes (l'ampoule électrique à filament ne sera inventée par Edison qu'en 1877...). Les Vril-Ya, en quelques sortes, ne sont que des avatars du Dieu du Tonnerre Zeus/Jupiter... Il est d'ailleurs fort significatif qu'aucun paragraphe ne soit consacré à la possibilité pour nous autres humains de développer les facultés nécessaires à l'utilisation de ce Vril, fruit de centaines d'années d'évolution... Bulwer Lytton s'emploie d'ailleurs à dénoncer les charlatans qui se présentent comme possédant des pouvoirs occultes, et qui pullulent à l'époque (Mesmérisme, extra-lucides, médiums et autres voyants...), preuve que le Vril n'a rien d'un quelconque pouvoir "magique".

Dire que cet ouvrage a inspiré des occultistes nazis est donc largement excessif. Il est vrai qu'il a pu inspirer certains occultistes (et notamment, voire surtout, Helena Blavatsky et sa Théosophie, dans les années 1870 et suivantes, qui reprend le terme de Vril à son compte après l'avoir repris d'un ouvrage d'un diplomate français en Inde...), mais il n'y a aucun lien avec la Thulé-Gesellschaft à laquelle Pauwells et Bergier rattachent La Race à Venir dans leur Matin des Magiciens... Même en faisant intervenir une "Vril-Gesellschaft" qui semble n'avoir existé que dans l'imagination des gens qui en ont parlé.


Autant dire que cette oeuvre aurait probablement sombré dans l'oubli littéraire (et on peut dire qu'elle s'y trouve, au regard du nombre de ses rééditions ces cinquante dernières années) sans le fantasme d'un lien même lointain avec les milieux ésotérico-racistes vaguement précurseurs des nazis... Son intérêt littéraire est en tout cas largement dispensable.
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