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Critique de Bouteyalamer


Le titre complet est le suivant : « Détails curieux sur la vie du nommé Garson, fabricant d'images. Description des feuilles qu'il illustrait, vulgairement appelées canards. Mauvaises connaissances qu'il fit dans le milieu des imprimeurs marrons et des conspirateurs républicains. Comment il usa de son état de graveur sur bois pour fabriquer de faux billets de banque. Sa condamnation aux travaux forcés. Sa fin cruelle au bagne de Brest, l'an 1848 ». Ce titre à rallonge s'inspire de l'emphase et du style séducteur de ces « grandes feuilles imprimées d'un seul côté avec des titres énormes, du texte en colonnes serrées et des gravures très noires, pleines de crimes abominables, de catastrophes, de signes ». J'ignorai l'existence de ces canards dont l'imagination et l'expressionnisme auraient certainement réjoui Breton et les surréalistes. Ces feuilles vendues à la criée devaient frapper par le titre et l'image avant que le chaland les lise, avec souvent la complainte annexée. Burkard nous apprend qu'elles étaient vendues dix centimes le matin et cinq l'après-midi : le boniment du vendeur s'émoussait-il à la mi-journée ? Ma favorite (numéro 6) présente la belle, la folle, la puissance toute virile de cette dernière et une scène de dévoration. Elle s'intitule : « Folle à la Salpêtrière. Événement malheureux arrivé à une jolie actrice de la Commédie-Française, en allant à la Salpêtrière. Fureur d'une folle qui s'est précipitée sur cette demoiselle pour la dévorer. Détails sur la vie de cette femme féroce, qui a assassiné et massacré un grand nombre de personnes, coupé la tête à un jeune homme, mordu et dévoré deux enfans dans les rues de Paris ».

Beaucoup de ces feuilles se sont dégradées ou perdues, du fait d'un mauvais papier et d'un défaut d'indexation. Imprimées, donc soumises au dépôt légal, elles étaient négligées comme naïves, inclassables, ou peut-être vulgaires. A l'opposé de ce possible dédain, Burkard en fait une présentation raffinée et met en valeur l'habileté du graveur et la séduction de ses thèmes. Garson simplifie, il va droit au but, soigne les regards, la gestuelle, les contrastes du blanc et du noir, le jeu des hachures. Il faut souligner la qualité du livre : format, papier, typographie élégante mise en valeur par les marges, reliure qui permet de l'ouvrir à plat et de voir sur la tranche ses nerfs et la ligature des cahiers, vignettes collées sur la page de titre et sur le colophon. Ces canards méritaient ce raffinement. Ils évoquent les romans graphiques de Frans Masereel qu'aimaient Zweig et Picasso un siècle plus tard.

Ce livre rejoint dans ma bibliothèque Une semaine de bonté de Max Ernst.
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