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Critique de Courrege


Il m'a fallu du temps avant que je me décide à écrire cette chronique car la lecture de ce premier roman de Marcia Burnier n'a pas été de tout repos, tout autant que de mettre de l'ordre dans mes impressions !
Inès, Mia, Léo, Louise, Niwa, Lila, Fanta, Lucie et l'on pourrait en citer tant d'autre hélas … Toutes ont vécu un viol ou ont été agressées sexuellement, toutes gardent un traumatisme qu'elles ne savent comment évacuer. Toutes conservent en elles une violence et des sentiments contradictoires qu'elles ont besoin de libérer, d'exprimer… Toutes réagissent différemment mais toutes ont choisi de se rendre justice par elles-mêmes en manifestant, en vandalisant ou en lançant des expéditions punitives - telles des Amazones - contre ces hommes qui les ont fait souffrir. Elles sont à leur tour devenues des prédatrices. A plusieurs on se comprend, on se sent plus fortes, on se soutient, on est aussi prêtes à tous les excès. On n'a plus peur d'EUX. Ces femmes ont de la haine, des envies de suicide, de sexe à fortes doses… Pas de pardon ! Car le corps garde des traces de ces actes délictueux, même longtemps après l'agression, il conserve des blocages psychologiques. « Qu'en bas, là en lui montrant son bas ventre, c'est pourri ». Elles ont des crises d'angoisse, martyrisent leurs corps. Rien ne semble prévu pour les aider « On dit pas vengeance, c'est pas la même chose, là on se répare, on se rend justice parce que personne d'autre n'est disposé à le faire ». Aussi ont-elles décidé de riposter, oeil pour oeil et dent pour dent : la loi du Talion. Car elles ne croient plus en la justice humaine et en ceux qui sont sensés les aider. Car même ceux dont le rôle est de les protéger ne comprennent pas toujours ce qui s'est passé ou ont tendance à les juger coupables « vous avez des moeurs légères, vous êtes des mythomanes », elles souvent accusées de mentir … Problème de crédibilité, solidarité masculine ?? C'est un sujet important à traiter car trop d'hommes encore pensent que les viols sont rares, que la plupart des femmes mentent. « Ces connards » car même tes propres amis peuvent en être car ils n'ont pas l'impression de violer, juste de forcer un peu pour convaincre la femme d'accepter une relation sexuelle.
L'auteur a inventé un nom commun : les orageuses. Ce mot n'existe que sous forme d'adjectif et veut dire tumultueux, ce qui correspond très bien à l'état d'esprit de ces jeunes femmes sujettes à des confusions violentes. Ce texte court, sans dialogue ou si peu, traduit les émotions que ces orageuses ont dans leur tête.
C'est un livre qui, s'il ne m'était pas parvenu dans le cadre des 68, que je n'aurai pas lu ou que je n'aurai pas fini à cause de cette confusion qui règne dans ses pages et surtout à cause de l'écriture qui m'a fortement déplu. Ce livre use et abuse d'un langage parlé. Son contenu est perturbant, déconcertant, mais aussi émouvant et pourtant tellement nécessaire. Lecture insoutenable mais je dirai même vitale pour comprendre ce qu'ont vécu ces femmes dans leurs corps, dans leurs têtes, pour tenter d'analyser leurs comportements et l'orage qui explose, résonne en elles. Elles sont démolies, saccagées. Si l'on n'a pas soi-même vécu un viol il est impossible d'imaginer, de comprendre par quelles étapes, quels sentiments ces jeunes femmes ou femmes sont passées. Comment peut-on pardonner à ces hommes, comment peut-on atténuer ces cicatrices faîtes à leur corps, comment expliquer ce que l'on a vécu et l'expliquer aux autres ? Un univers de noirceur qui explose à toutes les pages. le livre aborde tous les aspects du viol, montrent les préjugés qui sévissent encore et toujours. Un thème très actuel depuis quelques années avec la naissance du mouvement MeToo/ BalanceTonPorc qui encourage la prise de parole des femmes et qui veut faire savoir que le viol et les agressions sexuelles sont plus courants que ce qui est supposé et qui permet aux victimes de s'exprimer. Je ne sais si c'est possible, mais ce livre me laisse à penser que l'auteur a vécu ce qu'elle raconte dans sa chair.
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