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Critique de bdelhausse


Je suis dubitatif et sceptique au terme de cette lecture... Antonia Byatt nous raconte le mythe nordique du Ragnarok (pas un conte, ni une légende, j'y reviendrai). Ce mot de Ragnarok est souvent traduit en Crépuscule des Dieux, et on pense alors à Wagner. Mais Antonia Byatt insiste dans sa postface, il s'agit bien de la mort des dieux. A mon avis, la postface aurait dû être une préface. Cela aurait permis aux lecteurs d'apprécier l'ouvrage en sachant ce que l'autrice voulait transmettre comme message. Car, message il y a.

Ajoutons que c'est une commande d'un éditeur pour initier une série consacrée à des mythes et légendes. Les ouvrages de commande, cela peut faire flop ou pas.

Ici, un peu des deux, à mon avis. On part d'une frêle enfant qui est éloignée de Londres au moment de la seconde Guerre mondiale et qui découvre un ouvrage intitulé Asgard et les dieux et entreprend de le lire. le lecteur va donc découvrir en même temps que la jeune fille le mythe du Ragnarok.

Ce mythe n'est pas réécrit par Antonia Byatt. Il est livré "tel quel" dirais-je. Et je trouve cela dommage, même si l'autrice écrit plutôt joliment. En fait, le lecteur se trouve dans la tête de la "frêle enfant en temps de guerre" et lit le muthe tel qu'il est reçu par la jeune fille. Double degré de lecture, donc.

La 4è de couverture nous dit que Byatt crée un conte... mais dans sa postface, elle insiste. Ni conte, ni légende, mais un mythe. Byatt considère que dans un mythe, les personages n'ont pas de personnalité ou de traits de caractère. Pas de contours psychologiques non plus. Ils ont des attributs, ils incarnent des valeurs, des concepts. Fertilité, beauté, agilité, force, combativité... Raison de plus pour placer la postface avant la lecture, car en sachant cela, le lecteur en est quasiment réduit à relire le livre... Ce que je ne ferai pas.

Il y a 3 niveaux de lectures... en fait. Mais ils sont traités de manière inégale. D'abord, la frêle enfant cherche un palliatif, un dérivatif au chaos ambiant, à ce qui ressemble à la fin du monde, ou à la fin du monde "as we know it". Et c'est dans le Ragnarok qu'elle va trouver un sens à ce qu'elle vit. Ce volet est traité insuffisamment à mon avis, car le lecteur n'a pas d'information sur la manière dont l'enfant vit le chaos ambiant, ni comment elle le connecte à sa lecture.

Ensuite, il y a le Ragnarok lui-même. C'est 90 à 95% du livre. le fait qu'un monde nouveau ne peut éclore qu'en l'absence de dieux, et que la guerre totale que livre l'Allemagne au monde s'assimile au Ragnarok (avec l'idée additionnelle que les nazis ont largement pioché dans les mythes scandinaves et dans la garde-robe d'Hugo Boss, mais cela n'a pas de rapport). Enfin, il y a le parrallèle entre le délitement consécutif au Ragnarok et notre monde moderne qui part en coui... avec les enjeux climatiques, sociaux et sociétaux et environnementaux. Chaque dieux personnaliserait alors une dimension de notre monde actuel pris dans la tourmente des changements présents et à venir. Réécriture audacieuse... dans la mesure où Loki apparaît dans le Ragnarok comme connoté négativement et les autres dieux comme plutôt attractifs... Mais Antonia Byatt fait une lecture diamétralement opposée à cela dans son parallèle avec le monde actuel: elle considère les dieux comme réactionnaires et opposés à l'adaptation de nos comportements, et Loki comme source de créativité, de dynamisme et d'attrait de l'inconnu... Loki, on le sent dans le livre, recueille pas mal de faveurs chez Byatt. Cette 3è couche n'est absolument pas traitée explicitement dans le livre. Elle est mentionnée dans la postface (ce qui explique qu'il faudrait relire l'ouvrage pour -éventuellement- déceler ces parallélismes).

Ajoutons à cela que Asgard et les dieux est un livre qu'Antonia Byatt a reçu étant enfant et a énormément apprécié. Et on a alors une 4è couche de lecture... où la jeune fille frêle est Antonia.

Tout ça pour dire qu'Antonia Byatt construit une mécanique bien structurée, on n'est pas dans l'intuitif, dans le ressenti, mais dans le cérébral. Elle écrit fort bien mais de manière un peu trop cryptique, semblerait-il.
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