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Critique de Kirzy


« Rien ne s'est passé comme prévu, et c'est le monde, finalement transformé en quelque chose d'hostile et de glacé, de dur et d'étranger, qui m'a absorbé, digéré et recraché, muet comme la tombe où je suis né. »

Le Dr Frédérique, psychiatre, se retrouve hospitalisé suite à une tentative de suicide par injection d'insuline. Il se raconte à la première personne à son thérapeute. Les chapitres, courts, alternent le « je » du Dr Frédérique au « je » du thérapeute qui relate les séances avec son confrère patient et livre son ressenti. Au coeur des enjeux : la relation amoureuse entre le Dr Frédérique et une jeune consoeur, Emma.

Ce récit à deux voix est construit comme un thriller psychologique très prenant. le lecteur veut comprendre ce qui a poussé au suicide. Malgré quelques longueurs liées à des redondances, il est happé par la double narration qui le place en permanence dans le trouble et le doute qui naissent de différents canaux.

Le trouble de voir le thérapeute perdre sa neutralité, s'identifier à son patient au point d'être phagocyté par un mimétisme dangereux proche du contre-transfert. le trouble également de se voir détester Emma à mesure que leur relation, d'apparence toxique, est dévoilée, le Dr Frédérique lui vouant une dévotion absolue et malsaine qui l'a vidé de toute substance alors qu'on a l'impression que ses sentiments à elle ne sont pas à la hauteur de ceux que lui porte son amant. Cette même Emma qui le laisse agoniser seul dans son coin, décrite comme un « piranha » le dévorant et mettant ses chairs à vifs.

Le trouble enfin d'être dans l'obligation de se fier à un narrateur peu fiable. On ne connait que la version des faits du Dr Frédérique, on ne peut juger de sa relation avec Emma qu'à travers le prisme très subjectif de son regard, jamais Emma ne livre la sienne.

Progressivement, l'image de Frédérique se transforme et s'altère. Au départ, on est empli de compassion pour lui, puis on doute ( va-t-il jouer le jeu de la thérapie en acceptant de tenir la place du malade ? va-t-il faire semblant d'oublier son métier pour retrouver une forme d'innocence ? ), il irrite par son aveuglement, on finit même par le suspecter d'exagérer les faits voire de chercher à manipuler thérapeute et lecteurs. Il nous dérange aussi lorsqu'il évoque sans filtre, totalement désinhibé, sa sexualité très crue et les jeux sexuels extrêmes qu'il a eus avec Emma avant qu'elle lui refuse tout contact physique.

Léo Cairn, psychiatre de métier, excelle à placer le lecteur dans la position de juge, psy, confident et voyeur. Ses mots sont justes, précis, l'écriture extrêmement soignée. Il construit un puzzle dont les pièces s'emboîtent parfaitement au fil du récit, laissant l'impression de trouver une cohérence dans les lignes de fond tout en se disant que quelque chose cloche là-dedans. L'épilogue est impeccable : une longue lettre-confession dans laquelle le Dr Frédérique s'adresse à Emma. La vérité, cette fois, est révélée, brutale. Si j'avais assez vite deviné un des éléments ( sans que cela ne gâche l'avancée de ma lecture ), la grosse surprise finale m'a totalement cueillie.
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