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EAN : 9782358879002
368 pages
La manufacture de livres (19/01/2023)
4.22/5   27 notes
Résumé :
Un matin d’hiver, le docteur Frédérique, psychiatre, est retrouvé inanimé à son domicile. Il va faire le récit à son thérapeute de ce qui l’a conduit à tenter de mettre fin à ses jours. L’origine de sa détresse, c’est Emma, obsédante autant que fragile. Tandis que
le psychiatre se livre, à travers des secrets progressivement dévoilés, se précise le portrait de la femme. Mais si cette liaison n’était pas exactement ce que le docteur Frédérique voulait nous fai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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« Rien ne s'est passé comme prévu, et c'est le monde, finalement transformé en quelque chose d'hostile et de glacé, de dur et d'étranger, qui m'a absorbé, digéré et recraché, muet comme la tombe où je suis né. »

Le Dr Frédérique, psychiatre, se retrouve hospitalisé suite à une tentative de suicide par injection d'insuline. Il se raconte à la première personne à son thérapeute. Les chapitres, courts, alternent le « je » du Dr Frédérique au « je » du thérapeute qui relate les séances avec son confrère patient et livre son ressenti. Au coeur des enjeux : la relation amoureuse entre le Dr Frédérique et une jeune consoeur, Emma.

Ce récit à deux voix est construit comme un thriller psychologique très prenant. le lecteur veut comprendre ce qui a poussé au suicide. Malgré quelques longueurs liées à des redondances, il est happé par la double narration qui le place en permanence dans le trouble et le doute qui naissent de différents canaux.

Le trouble de voir le thérapeute perdre sa neutralité, s'identifier à son patient au point d'être phagocyté par un mimétisme dangereux proche du contre-transfert. le trouble également de se voir détester Emma à mesure que leur relation, d'apparence toxique, est dévoilée, le Dr Frédérique lui vouant une dévotion absolue et malsaine qui l'a vidé de toute substance alors qu'on a l'impression que ses sentiments à elle ne sont pas à la hauteur de ceux que lui porte son amant. Cette même Emma qui le laisse agoniser seul dans son coin, décrite comme un « piranha » le dévorant et mettant ses chairs à vifs.

Le trouble enfin d'être dans l'obligation de se fier à un narrateur peu fiable. On ne connait que la version des faits du Dr Frédérique, on ne peut juger de sa relation avec Emma qu'à travers le prisme très subjectif de son regard, jamais Emma ne livre la sienne.

Progressivement, l'image de Frédérique se transforme et s'altère. Au départ, on est empli de compassion pour lui, puis on doute ( va-t-il jouer le jeu de la thérapie en acceptant de tenir la place du malade ? va-t-il faire semblant d'oublier son métier pour retrouver une forme d'innocence ? ), il irrite par son aveuglement, on finit même par le suspecter d'exagérer les faits voire de chercher à manipuler thérapeute et lecteurs. Il nous dérange aussi lorsqu'il évoque sans filtre, totalement désinhibé, sa sexualité très crue et les jeux sexuels extrêmes qu'il a eus avec Emma avant qu'elle lui refuse tout contact physique.

Léo Cairn, psychiatre de métier, excelle à placer le lecteur dans la position de juge, psy, confident et voyeur. Ses mots sont justes, précis, l'écriture extrêmement soignée. Il construit un puzzle dont les pièces s'emboîtent parfaitement au fil du récit, laissant l'impression de trouver une cohérence dans les lignes de fond tout en se disant que quelque chose cloche là-dedans. L'épilogue est impeccable : une longue lettre-confession dans laquelle le Dr Frédérique s'adresse à Emma. La vérité, cette fois, est révélée, brutale. Si j'avais assez vite deviné un des éléments ( sans que cela ne gâche l'avancée de ma lecture ), la grosse surprise finale m'a totalement cueillie.
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Il y a des romans dont on attend plus que d'autres. Cela tient sans doute à l'ambition qu'ils affichent. Ou au thème qu'ils abordent. Une thérapie fait partie de ceux-là même s'il s'agit d'un premier livre et que le temps m'a appris à me méfier de ces circonstances. Souvent, l'ouvrage est trop ciselé, déborde de toute la complexité que son auteur a cru nécessaire à une possible publication. Souvent aussi, s'y exprime une diffraction du sens en mille scintillements aussi artificiels qu'agaçants mais qui espère lester le propos d'un poids certain de signifiances et vaudrait ainsi qu'on érige son auteur en Ecrivain. Comme une consécration.
Quoiqu'il en soit, le bel objet qu'est Une thérapie m'invitait à en attendre beaucoup. Couverture impeccablement mate, au dessin que je sais, désormais que j'ai terminé le roman, parfaitement, subtilement, adapté. Quatrième de couverture appelant les compétences interprétatives du lecteur. Un petit délice en puissance.
L'appareil narratif du roman a confirmé mes espérances : un entrelacs de chapitres où tour à tour s'expriment un psychiatre suicidaire en cure et son thérapeute. L'enjeu est de remonter le fil du récit, de parvenir à mettre des mots sur l'expérience ayant précédé le geste presque fatal. A nous de devenir également psy. A nous de débusquer la vérité expliquant les troubles. A nous de décerner à la parole du patient le statut qu'elle mérite : récit traumatique ou affabulation. Mystification manipulatoire ou genèse d'un nouveau drame. Miam !
C'est très agréable à lire. Un peu long par moment car, malgré l'introduction régulière de nouveaux personnages, la chronologie suffisamment heurtée pour qu'on s'y perde et que le jeu de pistes se complique de notre confusion, il ne se passe tout de même pas grand-chose. Comme un brouillard supplémentaire, la crudité de certaines scènes de sexe vient occuper l'esprit du lecteur, l'amène, à la suite du thérapeute qui reçoit le malheureux M Frédérique, à poser différentes hypothèses. On flirte un peu avec la littérature licencieuse aussi, avec des soirées imbibées, des musiciens amateurs, des week-ends en Bretagne. On revit le premier et le deuxième confinement. Tout ceci fait une bonne petite atmosphère.
Toutefois (vous l'attendiez, hein !), toutefois, je n'ai pas arrêté de me dire : « Punaise, la fin a intérêt à être à la hauteur de tout ce déploiement », puis « La vache, comment il va se récupérer notre auteur après nous avoir infligé tout ça ? ». Et finalement « Mais il est où le bouquet final ? Je n'en vois pas la queue et je suis à deux pages de la fin… ».
Au début, j'avais envisagé la piste du roman noir ou du thriller psychologique. Jouant sur les figures du double, mettant en question la véracité de chacun des discours, je cherchais le meurtre et son meurtrier. J'attendais le coup de théâtre, le basculement peut-être dans des fusillades, des courses poursuites ou des révélations abracadabrantes. Fausse piste.
Ensuite, j'ai espéré rattacher la clinique décrite à une forme de symbolique. L'amour fait mal depuis des siècles, on en a tout de même tiré un paquet de tragédies, de mythes, de quoi dépasser et sublimer à chaque fois les petites affaires de coeur et de cul que seuls les principaux intéressés trouvent palpitantes. Si j'avais dans les mains un roman dont c'était le propos, il fallait qu'au moins on s'élève à cette possibilité, que ce soit par le biais de l'interprétation littéraire, mystique ou psychanalytique. Mais, à de nombreuses reprises, le narrateur se gausse de tout le fatras psychanalytique dépassé et se félicite qu'il ne fasse plus partie du bagage universitaire enseigné aux psychiatres. Personnellement, un peu de symbolique et d'interprétatif allant chercher de ce côté-là ne m'aurait pas déçu. C'aurait apporté une noirceur et une profondeur à la simple description fonctionnelle des troubles de ce pauvre M Frédérique. Il y a bien une tentative d'y suppléer sur le mode littéraire avec la mention d'Hölderlin, Artaud, Michaux et d'autres poètes ayant fréquenté la folie mais j'y ai vu davantage un saupoudrage de circonstance qu'une véritable veine d'inspiration.
Non, à travers la vie des personnages telle qu'elle nous est contée, on comprend que la souffrance humaine s'inscrit dans la rationalité d'existences traumatisées et pas dans la glaise d'une conception métaphysique, tragique. C'est peut-être plus contemporain. Plus clinique. Très MSD. C'est incontestablement plus plat. Moi, en tout cas, ça m'a déçue et je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir le signe d'un premier roman où il y avait trop d'éléments autobiographiques à insérer pour que le récit prenne une vraie hauteur. La catharsis personnelle pas encore transfigurée par la capacité à en faire un invariant qui prétende à l'universel. le récit autoapitoyé qu'il était sans doute nécessaire d'écrire, mais pas forcément de publier en l'état. Mais ça ne m'empêchera pas de guetter le prochain roman de ce Léo Cairn car j'ai trouvé à sa plume beaucoup de charme prometteur.
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S'il y a bien un livre à lire en ce début d'année, c'est bien "Une thérapie" de Léo Cairn.

Voici donc un premier roman absolument captivant;

nous suivons sur 350 pages un psychiatre et son patient, chacun ayant droit à son chapitre (de quatre pages environ), pair pour le médecin, impair pour le malade,

et tour à tour, les souvenirs du patient, psychiatre lui-même qui a fait une tentative de suicide et l'analyse du psychiatre qui s'intéresse de plus en plus à ce patient qui n'est pas comme les autres, vont nous emmener dans un suspens comme nous n'en aurions pas imaginé dans ce genre de sujet, jusqu'à un épilogue dont nous ne pouvons rien dire...

Et maintenant, il ne nous reste plus qu'une chose à faire, attendre le prochain livre de Léo Cairn !
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Je viens de terminer cette oeuvre , ce matin à mon réveil ( mes yeux se fermaient hier soir )
Envoutant, Intense, Magique, Hypnothique.
Nombre de qualificatifs qui peuvent exprimer ce tourbillon qui m a emporté depuis que je l'ai reçu et que j'en ai entâmé la lecture.
La chose qui m est venue comme une évidence pour l évoquer se trouve dans ces quelques lignes :
Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu
momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt
et sauvage, à travers les marécages désolés de
ces pages sombres et pleines de poison ; car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles
de ce livre imbiberont son âme, comme l'eau le sucre.

Les Chants de MaldororLautréamont.

Cette référence m' a semblé la plus adéquate pour traduire le sentiment que j'éprouve à la lecture de ce roman.
Je veux tout de même avec mes propres mots saluer la narration qui dés les premiers mots entraine le lecteur et le tient jusqu'au bout.
Ces personnages qui sont dans ce récit , prennent vie et je les connais désormais.
On voudrait toujours croire à ce mythe de la facilité , du don donné à certains pour créer.
Cette part existe certes , mais il y a, à mon sens un long travail derrière cela et pour accoucher de " Une Thérapie" c'est indéniablement le cas.
Merci
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Pour les amateurs de littérature blanche...
Premier roman de Léo Cairn qui exerce par ailleurs la profession de psychiatre. Ce qui donne une intéressante mise en abîme. Nous avons ici un psychiatre (l'auteur) qui écrit sur un psychiatre (un des deux narrateurs) qui analyse un psychiatre (l'autre narrateur) qui lui-même écrit. Vous suivez ?
M.Frédérique (bizarre de choisir un prénom féminin, nous y reviendrons) est donc un psy qui a été retrouvé inconscient dans son logement de fonction après une tentative de suicide. Atteint d'une profonde dépression, il est hospitalisé et commence alors une thérapie analytique. Premier narrateur, il s'adresse non pas au lecteur mais à son thérapeute et lui raconte sa vie et ce qui l'a mené à ce geste fatal. Ledit personnage est un drôle de bonhomme. Homme à femmes auraient dit certains à une époque, il refuse de se laisser "enchaîner" et dès qu'il ne se sent plus libre, il rompt. Alima, Samia, Emma, 3 femmes de sa vie quasi simultanément. Mais c'est Emma la cause de tout, d'après lui. Lentement, très lentement, il raconte la rencontre, la passion naissante, l'amour puis la déception et la rupture. Il s'est passé quelque chose et nous mettrons du temps (trop ?) à nous expliquer le pourquoi du comment. le médecin psychiatre qui le soigne, second narrateur, nous raconte lui ce qu'il apprend de son patient, ses réflexions, son ressenti, l'influence que son malade a sur sa vie et les impressions qu'il a sur l'avenir de ce dernier.
On avance lentement vers un dénouement qu'on pressent tragique, presque sans issue. En tout cas incomplet.
Roman qui risque de rebuter les amateurs de péripéties, de surprises et qui peut également repousser ceux que quelques descriptions assez crues des rapports intimes du malade avec Emma vont gêner. Curieux patronyme, disais-je, appeler M. Frédérique un homme à femmes. Un homme avec un nom féminin. Un bon psy y verrait un sens. Pourquoi l'auteur l'a-t-il choisi ? Private joke ou sens caché ? Ca m'a quelque peu gêné. En étant méchant, je dirais que c'est un roman bavard. Pour des conversations lors d'une thérapie, c'est normal me direz-vous. Mais c'est quand même assez long et tortueux. Bien écrit certes mais on n'avance pas très vite, très lentement même, et le risque de l'ennui du lecteur existe. Sauf pour les fans de psychologie.
Il faudra voir le prochain roman de Léo Cairn pour savoir s'il peut sortir de son cadre professionnel, on sent ici les anecdotes vécues à plusieurs reprises, et orienter le récit plus sur une intrigue que la psychologie et le "trajet" mental pur... Je ne suis donc pas complètement convaincu. Dommage...
Lien : https://mgbooks33.blogspot.com
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
C’est que c’est tellement prétentieux que de vouloir aider les gens. Alors avoir le projet, l’ambition de les soigner... Avec le temps, beaucoup de temps, j’ai compris que c’est ce que j’ai fait dès le début avec Emma. J’ai tout confondu : le désir que j’avais pour elle, et cette empathie qu’elle m’inspirait et que je ne contrôlais absolument pas. D’une certaine façon, je l’ai presque traitée comme l’une de mes patientes, si ce n’est que je ne couche pas avec mes patientes. Elle me bouleversait, pas parce que je l’aimais (même si je l’aimais, bien sûr, à la folie, cela j’en suis à peu près sûr), mais parce que j’aimais aussi, surtout peut-être, le rôle que je m’étais attribué, et qui était de la sauver d’elle-même, ou quelque chose de cet ordre-là. Et bien évidemment cela est vite devenu insupportable pour elle, la présence de cet homme qui essayait en permanence de réparer ce qu’elle avait subi dans son passé comme s’il se sentait responsable ou coupable de ses blessures, de cet homme qui aimait tout ce qu’elle détestait en elle, tout ce qu’elle voulait oublier, et qui lui rappelait qu’elle était toujours celle qu’elle ne voulait plus être, et que c’était cette femme brisée, blessée à laquelle il s’était attaché, qu’il aimait jusqu’à en perdre la raison, alors qu’elle essayait de se convaincre que cette femme du passé était morte, et qu’elle la haïssait.
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J’ai toujours attaché une importance excessive à l’écriture et aux mots, et c’est l’un de mes principaux défauts que de penser que tout le monde est comme moi. Emma, très vite je l’ai recouverte de mots, étouffée sous les mots, enterrée sous les mots. Mes mots d’amour en premier lieu, mais aussi des mots d’écrivains, de poètes, de chansons… Je la bombardais littéralement, tout le temps. Tout ce qui faisait sens pour moi dans ce que j’essayais de construire avec elle, je le lui assénais sans me rendre compte que cette volonté de partage correspondait aussi au déferlement d’une puissance morbide (parce que froide et figée, sans vie), que j’exerçais sur elle sans pouvoir la contenir.
Car les mots sont des choses mortes. Les mots ne ressuscitent pas les cadavres, les sentiments, les souvenirs quand ils ont disparu, ils ne changent pas le sens du monde, ne réparent rien. Les mots ne font pas d’enfants. Cela peut vous sembler paradoxal dans la bouche d’un homme tel que moi qui ai choisi le métier que vous savez, mais je vous ai déjà expliqué que mon travail m’a aussi permis de beaucoup me taire. Ce n’est pas si contradictoire que cela. Je suis à la fois avide de mots et de silence, qui ne sont rien d’autre que les deux faces de ce qui n’est plus vivant.
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Et je me demande pourquoi je vous raconte tout cela, qui peut vous sembler parfaitement secondaire. Pourquoi je m‘attarde autant sur de tels détails, que j’ai déjà passés et repassés dans ma tête des milliers de fois, pourquoi je cherche désespérément du sens là où il n’y en a pas, des réponses dont je sais que je les connais. C’est comme si je redoutais de me confronter de nouveau à la vérité à laquelle je suis déjà parvenu il y a quelques semaines, et qui m’a conduit là où vous savez. J’ai beau tourner et retourner le problème dans tous les sens, je retombe toujours sur la mème succession de non-évènements, sans vouloir admettre que les derniers mois passés près d’Emma, j’étais déjà seul, seul comme je ne l’avais jamais été, occupé à disséquer chacune de ses paroles, chacun de ses silences, le moindre de ses gestes et leur absence quand elle ne faisait rien, et j’interprétais tous ces signes qui n’en étaient pas vraiment, et je ne retirais rien de probant de ce travail stérile et épuisant de ma pensée, rien que les fragments tranchants d’une vérité comparable à un cristal qui se serait échappé de mes mains pour se briser en mille morceaux, et je m’écorchais sans fin aux arêtes de ce cristal.
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Une phrase m’est revenue récemment en mémoire. Je l’aime beaucoup, elle est attribuée au marquis de Sade, et extraite d’une lettre écrite à sa femme. « Vous m’avez fait former des fantômes », lui dit-il. C’est très beau. J’ai toujours trouvé ça très beau. Et cette phrase, quand elle a resurgi sans prévenir dans mon esprit, telle une pensée que j’aurais moi-même produite, je l’ai instantanément associée à vous et à nos entretiens. Ce que je veux dire, c’est que tout ce que je vous raconte, toutes ces histoires de personnes qui étaient mortes pour moi, eh bien tout cela qui m’était devenu interdit, raconter, me permet de les ranimer, et en parler, les ramener à la vie de cette façon-là, m’oblige aussi à sortir la tête de l’eau pour assister à cette métamorphose. Je respire de nouveau, encore difficilement. De temps en temps je ressens de grands râles de langage cherchant à s’arracher de ma gorge - vous savez, à la manière de ces noyés agités de spasmes au moment où ils retrouvent leur souffle. C’est douloureux, un peu comme une seconde naissance, car on sait bien que ça fait mal une naissance, quand les alvéoles de l’enfant se déplissent sous la pression de l’air, juste avant le premier cri.
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Actuellement, les mots ont brusquement disparu après une brève réapparition, et il va falloir de nouveau créer les conditions de leur retour. D’où mon choix de parler à la place de mon patient, y compris un peu de moi, pour que mes mots appellent les siens, pour qu’ils se frottent les uns aux autres, pour que des petites étincelles ainsi créées surgissent les crépitements d’une pensée engourdie, les flammèches qui pourraient la réchauffer, en veillant à ne pas rallumer un incendie incontrôlable qui détruirait tout sur son passage.
Ce travail d’équilibriste, de souffleur de braises, de chercheur d’or des mots perdus, c’est aussi cela mon métier, et c’est un métier difficile quand on essaie de bien le faire.
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