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Critique de isabellelemest


Pour une fois Camilleri, le célèbre auteur de polars siciliens, se fait essayiste pour comprendre l'origine de la "malavita", ou plus crûment de la mafia, pour découvrir l'origine de "certaines manières de penser difficilement compréhensibles des gens de chez moi" et bien sûr d'agir de façon "corrompue et criminelle".

Pour ce faire, l'auteur s'est livré à un travail de recherche dans diverses archives, notamment celles des commissions d'enquête gouvernementales, peu après l'Unité italienne, au XIXe siècle. Il y a découvert l'existence d'un étrange document ecclésiastique, ayant cours dans son île à l'époque, et dont tous semblaient connaître l'existence : la 'bulle (comme on dit "bulle papale", au sens de décret, de lettre officielle) d'arrangement"... Expression éminemment mystérieuse !
Camilleri essaie dans un premier temps d'expliquer ce qu'est un "arrangement", une "entente" : un pacte tacite, souvent illicite, qui existe entre des parties pour régler un problème, et il en donne divers exemples, y compris dans d'autres pays, car ce genre de négociation secrète existe partout...
Mais quel rapport avec une "bulle" ecclésiastique ? L'auteur va découvrir que l'Église catholique, malgré le scandale historique de la vente des "indulgences" au XVe siècle, scandale qui donna naissance au protestantisme de Luther, vendait en Sicile un acte imprimé valant participation à une confrérie bienfaisante, ce qui donnait droit à certains avantages, dont... des indulgences et des absolutions de péchés passés et à venir... Tout devient alors très clair ! Comme "le Sicilien est par nature plus superstitieux que religieux", il se trouve garanti par cette transaction contre les flammes de l'enfer, quelles que soient les turpitudes qu'il commet par ailleurs... Alors pourquoi se gêner ? Il suffit d'acheter annuellement au curé cette assurance contre la damnation... Camilleri en conclut donc logiquement que c'est l'Église et ses clercs qui donnent, les premiers (du moins en Sicile), le déplorable exemple de la corruption et que tout découle de là...

Une thèse intéressante pour essayer de comprendre le fonctionnement de la société sicilienne, par ailleurs illustrée d'anecdotes aussi savoureuses que macabres où l'auteur retrouve son dialecte très particulier et sa verve de conteur-né.
Il faut noter que ce texte à été écrit en 1991-1992, époque de la "négociation État-mafia" (dont le procès est actuellement réouvert à Palerme), qui aboutira à l'assassinat spectaculaire des deux "super-juges antimafia", Borsellino et Falcone et de leur escorte, en 1992.
Comme toujours, tout en dénonçant le système mafieux et ses origines, l'auteur reste un peu dans l'ambiguïté, car il comprend trop bien ses concitoyens et leur mode de raisonnement, et sans les justifier, il cherche des excuses à leurs comportements peu légaux...
Une lecture originale, car c'est un point de vue sicilien sur l'origine du mal qui ronge l'île.
Lu en V.O.
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