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Critique de Lucilou


Il y a en moi la cinéphile et la littéraire et cette dernière doit bien avouer qu'elle n'ai pas une des plus pures aficionado d'Albert Camus.
Bien sûr, je le trouve brillant et j'admire la limpidité d'eau de source de son style. Oui, j'ai lu "L'Etranger" et "La Peste", j'en reconnais le génie, les qualités et j'ai même adoré "Les Justes"... Mais cette syntaxe blanche, ce style dépouillé, cette nudité de la phrase... Cela me laisse dubitative et ne me touche que trop peu. Moi, à l'école des Albert, je suis plutôt Cohen, Cohen et son lyrisme, Cohen et sa langue si opulente, si sensuelle... Quant à la philosophie... Oui c'est lumineux et d'un humanisme un peu désespéré qui me touche. Je suis certes plus camusienne que sartrienne mais je n'en suis pas non plus férue.
La cinéphile en revanche... Maria Casarès, les yeux et le jeu de Maria Casarès... Dans "Les Enfants du Paradis" évidemment et "Les Dames du Bois de Boulogne" aussi. Et puis sur scène, quelle tragédienne elle devait être... Une nouvelle Rachelle!

Il y a aussi deux lectrices qui s'opposent dans ma petite tête de gémeaux littéraire: celle qui se questionne et s'offusque presque qu'on puisse publier après leur mort des écrits qui n'étaient destinés qu'à un-e seul-e. C'est un peu comme les romans inachevés, les journaux… Cela m'interroge, me gêne un peu... Après tout, ce n'est pas parce qu'on a fait profession d'écriture et qu'on a des lecteurs et des exégètes par centaines qu'on doit tout leur donner, tout leur offrir, tout leur dévoiler… Et l'intimité, la vie privée, le secret? Qui dit qu'ils auraient été d'accord tous ces littérateurs, ces artistes?
Et il y a la curieuse, peut être un peu voyeuse qui finit par troquer ses grands principes moraux, piégée par la tentation.
Enfin, j'adore les correspondances, l'épistolaire (surtout quand il n'est pas roman), l'expression de l'intime et de l'amour, les histoires d'amour aussi et leur récit, leur lumière, le feu clair qu'elles répandent et parfois aussi leur amertume. Les lettres d'amour sont souvent les plus belles, qu'importe l'amour qu'elles disent et écrivent.
Très sincèrement, je n'ai pas réussi à trancher sur cette question d'éthique et je ne suis pas très à l'aise à l'idée d'avoir lu des journaux, des textes inachevés ou, comme c'est le cas ici, des correspondances, mais j'ai craqué et j'ai dévoré la correspondance de ces deux lumières du XX°siècle. Mea culpa.
Oh... Attendez, je mens... "Dévorer" n'est pas le verbe exact car un peu effrayé par le volume de cette abondante correspondance (quinze ans de lettres et autant d'amour fou!) j'avais décidé de scinder ma lecture et de m'offrir le plaisir de quelques lettres chaque soir. Au fil des missives, je les ai trouvées si belles que j'ai délibérément pris mon temps. Faire durer le plaisir. Mes mille et une nuits à moi.

Albert Camus et Maria Casarès se sont aimés d'amour fou quinze années durant, jusqu'à la mort de l'écrivain et malgré son épouse légitime et ses enfants. Quinze années d'une histoire solaire, passionnée dans laquelle on entre par ces lettres comme par effraction.
De cette correspondance généreuse, de ces lettres échangées à un rythme fiévreux je retiens une peinture profonde, incarnée de la vie intellectuelle parisienne et française des années 40 et 50, un pan de l'histoire du théâtre et du cinéma qu'éclaire pour nous Maria Casarès. Je retiens également la lumière qui émane de chaque ligne d'Albert Camus, la profondeur et la clarté de sa pensée, sa constante quête du bonheur, son idéalisme, ses désespoirs, sa pensée, sa sensibilité.
Enfin, je retiens surtout cet amour fou qui s'exprime dans chacune des phrases, cet amour qui transcende et qui élève l'autre, le soutient dans ses projets, ses idées, ses idéaux même...
Cet amour déchirant qui se nourrit d'instants trop brefs, d'absences, d'encre et de papier autant que de peau et de baisers. Cet amour lumineux et angoissé, fiévreux, incandescent comme on croit qu'il n'en existe pas et qui révèle les deux amants à eux-mêmes dans toute leur clairvoyance avec un lyrisme et une flamboyance qui frôle parfois l'érotisme car si cette correspondance -sublime- est un témoignage précieux de la vie culturelle de son époque elle est avant tout amoureuse et dit autant le désir que le bouillonnement intellectuel de ses émetteurs.
Une correspondance comme un éblouissement.
Un bouleversement du coeur et de l'âme.



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