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Critique de dvall


dvall
24 février 2024
« le hasard, la commodité, l'ironie, et la nécessité aussi d'une certaine mortification, m'ont fait choisir une capitale d'eaux et de brumes, corsetée de canaux, particulièrement encombrée, et visitée par des hommes venus du monde entier. » C'est ainsi que, sous le nom d'emprunt de Jean-Baptiste Clamence, un ancien avocat parisien a fini par s'échouer dans la ville d'Amsterdam pour y exercer l'étrange profession de juge-pénitent. le voilà qui officie dans un bar cosmopolite du nom de Mexico-City, clamant à qui veut l'entendre les hauts faits de sa vie tout comme les bas-fonds de son âme. Il se complait dans l'énoncé de ses fautes et n'attend pas la clémence de son auditoire, n'en montre lui-même aucune à l'égard de ses semblables et du monde moderne, victime de ses propres déchirements et vanités.

Durant cinq jours, le monologue de Clamence se déploie à l'oreille d'un inconnu au verbe rare mais au sourire dispos, miroir de sa propre identité. du comptoir de l'estaminet tenu par un « estimable gorille » parlant un sabir babélien, jusqu'à une chambre au dénuement digne d'un tableau de Vermeer, en passant par l'île pittoresque de Marken ou les rues bordant les canaux de la Venise du Nord, le juge-pénitent condamne tout autant qu'il se repent. Car sa conscience est encombrée, corsetée par la culpabilité que seule la logorrhée contrite peut absoudre. L'orgueil démesuré du procureur triomphant, la condescendance écrasante de l'amant collectionneur, tout cela a éclaté en morceaux. Est-ce le rire moqueur d'une ancienne conquête entendu à la dérobée, l'altercation humiliante avec un motocycliste dans les rues de Paris, ou bien le cri resté sans secours d'une jeune fille sur le pont des Arts qui auront eu raison du héros déchu ? Car c'est bien l'anatomie d'une chute qui est disséquée sous nos yeux, tandis que Camus oppose les îles lumineuses de l'archipel grec à la mer presque morte du Zuyderzee. En contrepoint de cette âme en peine, se peint le tableau d'une époque méprisable, d'un monde aux fondations purulentes.

Un texte amer et percutant qui n'a rien perdu de sa clairvoyance.
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