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Critique de 5Arabella


Ce livre a connu une longue gestation, plusieurs versions, avant d'être publié en 1947. Malgré l'insatisfaction persistante de Camus envers son roman, ce dernier connaît un succès important et immédiat, et qui ne s'est pas démenti depuis. Cet ouvrage a été tellement lu, commenté, analysé, enseigné, qu'il paraît très difficile d'écrire à son sujet, sans dire des banalités ou des évidences.

Le livre se présente comme une chronique, écrite par un auteur anonyme, mais nous découvrirons à la fin du roman qu'il s'agit du docteur Rieux. Une chronique, donc en principe une description de faits, des événements. Nous sommes dans les années 40 du siècle dernier à Oran, lorsque surgit la peste. Nous suivons le fléau depuis les premiers signes annonciateurs (la mort de rats), puis les premiers cadavres humains surgissent, tout le monde hésite encore à poser le terrible diagnostic. Il devient impossible de réfuter ce qui est devenu l'évidence, et la ville est fermée pour éviter la propagation de la maladie. Les morts sont de plus en plus nombreux, nul n'est sûr d'y échapper. Puis, nous assistons au reflux de la maladie, aussi incompréhensible que sa venue.

Les cinq parties du roman sont en quelque sorte les cinq actes d'une tragédie en train de se dérouler sous nos yeux. Mais la chronique est en réalité une sorte de fable, de moralité. Il ne s'agit pas de faire le récit d'une peste survenue à un moment à un endroit donné, mais d'une métaphore, d'une allégorie. L'auteur lui-même a défendu l'idée qu'il s'agit de la seconde guerre mondiale, même si on ne peut résister à l'idée qu'il s'agit du Mal en général, dont les atrocités de la seconde guerre mondiale ne sont qu'un exemple, même si c'est celui que est le plus proche dans le temps de la rédaction du livre de Camus.

Au-delà des événements, ce qui est surtout important, ce sont les réactions des différents personnages, chacun représentant une attitude possible en face de ce qui arrive. Rieux fait son métier de médecin, alors même que ses soins ne paraissent pas changer grand-chose au devenir de ses malades. Un noyau de personnages autour de lui s'engage activement pour aider dans la lutte, qui semble désespérée, voire inutile, en trouvant dans cet engagement une chaleur humaine et une forme de fraternité : Jean Tarrou, Rambert, Grand, le père Paneloux, le juge Othon etc...Chacun vient à son heure et avec ses raisons, par exemple Othon après la mort de son fils.

Une des questions essentielle est celle du sens de la maladie, de la mort, du mal. Camus laisse entendre qu'il n'y en a pas. le mal est insaisissable, il échappe à la maîtrise et compréhension humaine. Paneloux qui essaie de lui donner un sens, de concilier l'idée d'un Dieu bon et juste avec l'existence du mal, finit par mourir, dans une sorte de folie. Car il faudrait admettre que le mal est juste et nécessaire, qu'il répond à une culpabilité présente dans chaque être humain, même dans un enfant innocent. de même les idéologies, l'action politique, censées éradiquer le mal, ses causes, finissent par le produire, c'est la confession de Tarrou. L'homme ne peut que se contenter de gestes simples et fraternels, de bonne volonté, sans prétendre à comprendre ce qui n'a pas de sens, ni espérer pouvoir maîtriser ce qui arrive. le présent est la seule chose qui compte, on ne peut changer le passé, ni adoucir le futur.

Ce qui est frappant, c'est que le mal est ici quelque chose d'extérieur aux hommes, enfin au groupe qui est au centre du roman. Certes ils ont leurs moments de faiblesse, leurs petitesses, leurs défauts, mais ils font au final face, de la meilleure façon qu'ils peuvent. le seul chez qui le mal semble exister à l'intérieur, est Cottard, le seul à se réjouir du malheur collectif, qui lui permet d'échapper pour un temps à la conséquence de ses actes, qui s'épanouit en temps de peste. La fin de celle-ci sera sa fin.

C'est bien évidemment un livre impressionnant, d'une redoutable efficacité, et qui semble ne devoir jamais perdre sa pertinence et son impact sur le lecteur. A lire et à relire, y compris lorsque tout va bien.
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